Insuffisance cardiaque aiguë

Reconnaissance et prise en charge

Publié le 22/11/2012
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LES CAUSES CONGENITALES sont majoritaires chez l’enfant et représentent 50 à 60 % des cas, alors que l’incidence de l’insuffisance cardiaque sur cœur structurellement sain serait d’environ 1/100 000 enfants de moins de 16 ans, avec un pic pendant la première année de vie. En l’absence de cardiopathie sous-jacente connue, la reconnaissance et la prise en charge en urgence peut être décomposée en cinq étapes.

Poser le diagnostic, évaluer la gravité.

• Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque constitue la première étape. Le début peut être brutal ou rapidement progressif. Asthénie, pâleur, difficulté à la prise des biberons, vomissements répétés, polypnée ou cyanose sont les signes d’appel. Plus rarement, des œdèmes et une prise de poids rapide dominent le tableau.

Les deux signes majeurs de l’insuffisance cardiaque, la polypnée et la tachycardie, doivent être recherchés à l’examen. Il faut également apprécier la présence et la qualité des pouls huméraux et fémoraux, ainsi que la qualité de la perfusion périphérique.

Les signes de décompensation cardiaque doivent être recherchés.

L’hépatomégalie, très fréquente, la turgescence des jugulaires et l’ascite traduisent une décompensation cardiaque droite. La polypnée et les râles crépitants bilatéraux signent une décompensation cardiaque gauche. À l’auscultation, un bruit de galop et un éventuel souffle doivent être recherchés. En cas de doute, en particulier avec une affection respiratoire, une radiographie thoracique de face en position debout recherche une cardiomégalie.

• L’évaluation de la gravité immédiate de l’insuffisance cardiaque aiguë constitue la deuxième étape. Elle est fondée sur la recherche de signes qui traduisent une mauvaise perfusion cérébrale, une hypotension artérielle pré- et postductale chez le très jeune nourrisson, des signes de mauvaise perfusion périphérique (marbrures, extrémités froides, temps de recoloration cutané allongé) et à l’apparition de signes de détresse respiratoire.

Aux urgences, le bilan comporte également la mesure de la saturation transcutanée en oxygène, la recherche d’une acidose métabolique et d’une hyperlactatémie traduisant une oxygénation tissulaire insuffisante. Un électrocardiogramme recherche une origine rythmique à l’insuffisance cardiaque. Une échographie-Doppler cardiaque, effectuée rapidement, permet d’évaluer la fonction cardiaque, d’orienter le diagnostic et de suivre l’évolution sous traitement. Il faut rechercher une anémie, qui aggraverait l’hypoxie tissulaire, une hyponatrémie, qui signe l’activation du système rénine-angiotensine, et une augmentation de la troponine ou du BNP, qui traduit une souffrance myocardique.

Traiter, rechercher une étiologie, orienter.

• La troisième étape consiste à mettre en œuvre immédiatement le traitement symptomatique, afin de restaurer une délivrance d’oxygène suffisante aux tissus, sous surveillance cardiorespiratoire continue. Il comporte une oxygénothérapie, voire une assistance ventilatoire si nécessaire, éventuellement invasive, et la correction d’une anémie. En cas de précharge élevée et en l’absence de choc, une restriction hydrique et l’administration d’un diurétique de l’anse d’action rapide par voie veineuse diminuent la précharge et le travail du cœur. Le traitement suppose également la correction des troubles métaboliques. Des inotropes, voire de l’adrénaline en cas d’échec, peuvent être nécessaires pour optimiser la contractilité ventriculaire si le patient reste instable ou en cas de choc cardiogénique. De nouvelles molécules comme le lévosimendan et le nesiritide, sur avis spécialisé, pourraient être des alternatives prometteuses.

Pour optimiser la postcharge après contrôle de la phase aiguë, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) à dose progressive et sous contrôle strict sont de plus en plus utilisés chez l’enfant. Chez le nouveau-né, en cas de cardiopathie ducto-dépendante, le canal artériel peut être rouvert en utilisant de la prostaglandine E1 par voie veineuse, jusqu’à la prise en charge spécifique de la cardiopathie.

• La recherche et le traitement des étiologies immédiatement curables constituent l’étape suivante. Une gêne respiratoire connue, des difficultés de prise alimentaire, un infléchissement de la courbe staturo-pondérale ou des antécédents de toux chronique orientent vers une pathologie ancienne, une cardiopathie congénitale ou une maladie métabolique, passées inaperçues.

En cas d’affection récente, les signes à rechercher pour orienter le diagnostic étiologique sont le caractère brutal du début en faveur d’un trouble du rythme aigu ou d’une intoxication médicamenteuse, une fièvre ou tout autre symptôme d’infection récente pouvant faire évoquer une myocardite, une endocardite ou une péricardite, ou des atteintes viscérales associées en faveur d’une affection inflammatoire ou métabolique. Un traitement rapide s’impose alors.

• Enfin, la dernière étape consiste à orienter l’enfant vers le service le mieux adapté pour une surveillance étroite avec un monitoring cardiorespiratoire et examens cliniques répétés, au moins quelques heures.

D’après un entretien avec le Dr François Dubos, urgences pédiatriques et maladies infectieuses, pôle de l’urgence, CHRU et EA2694, Santé publique : épidémiologie, et qualité des soins, UDSL, Lille.

Conflits d’intérêt : aucun.

Dr GÉRARD BOZET

Source : Bilan spécialistes