Alors que l’option d’un 3e confinement fait débat, les sociétés savantes de pédiatrie* réaffirment leur position dans un plaidoyer commun : « la balance bénéfice-risque apparaît très en faveur du maintien de l’ouverture des établissements scolaires : le risque est majeur pour la santé mentale et sociale des enfants, tandis que le bénéfice dans la lutte contre la diffusion de ce virus est nul », résume pour le « Quotidien » la Pr Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie, qui appelle à « ne pas sacrifier les plus jeunes dans la gestion de la pandémie ».
Animés par le même objectif de maintien de l’ouverture des établissements scolaires, les enseignants, en grève ce 26 janvier, tirent « un signal d’alarme ». La Fédération syndicale unitaire (FSU), première fédération syndicale de l'enseignement, évoque une communauté scolaire « fatiguée et inquiète » et dénonce le manque de moyens pour mettre en œuvre les protocoles sanitaires dans les établissements scolaires : « aucune politique de tests à grande échelle, d’isolement des personnels et élèves positifs ou cas contacts, d’aération renforcée des salles, de non-brassage des élèves, etc. », énumère le syndicat.
Un « plan d'urgence » pour « maintenir les écoles ouvertes »
Dans une lettre adressée le 22 janvier au ministère de la Santé, le Syndicat national unitaire des instituteurs (SNUipp) juge « alarmant » le dernier point du ministère de l’Éducation nationale sur la situation sanitaire dans les établissements scolaires. « Les chiffres publiés montrent une forte augmentation du nombre de cas positifs, avec une hausse de près de 30 % chez les élèves et de près de 40 % chez les adultes », pointe le syndicat qui réclame un « plan d'urgence pour l’école et une réelle protection des personnels et des élèves afin de maintenir les écoles ouvertes ».
Outre un accès prioritaire à la vaccination pour les personnels les plus vulnérables, le SNUipp demande un cadre national pour l’isolement des cas contacts et la fermeture des écoles en cas de clusters, alors que ces décisions sont actuellement prises par les autorités locales de l’Éducation nationale et donnent lieu à une « cacophonie avec des situations disparates d’un département à l’autre ».
La Pr Christèle Gras-Le Guen invite également à déployer les moyens nécessaires à la mise en œuvre des recommandations sanitaires. « C’est à ce prix qu’on pourra garder les écoles ouvertes », assure-t-elle, appelant également à renforcer les moyens de la médecine scolaire, un « domaine de la médecine désinvesti depuis des années alors qu’il est essentiel pour la prévention, le dépistage, l’accompagnement des élèves et l’éducation à la santé ».
Des infirmières accaparées par la gestion de crise
Les infirmières scolaires sont d’ailleurs mobilisées aux côtés des enseignants et déplorent également la gestion de la crise sanitaire dans les établissements. Au collège ou au lycée, elles sont accaparées par la gestion de la crise sanitaire et des « phases de dépistage et de tracing », au détriment de l'accompagnement des élèves, explique Saphia Guereschi, secrétaire générale du Syndicat national des infirmières conseillères de santé (SNICS-FSU), à l’AFP. En conséquence, les « jeunes, qui vont très mal, ne peuvent plus être accueillis comme il se doit lors des consultations dans les établissements car nous ne sommes pas remplacées, il faut réagir très rapidement », prévient-elle.
Du côté des pédiatres, la perspective d’un confinement avec fermeture des établissements fait craindre « une aggravation des effets délétères indirects de la pandémie déjà objectivés par de nombreux pays sur la santé mentale et sociale des enfants », explique le plaidoyer.
Des enfants « qui vont mal »
Les pédiatres observent déjà, « depuis quelques semaines », une augmentation « sans précédent des consultations ambulatoires et hospitalières, admissions aux urgences et hospitalisations pour motifs psychiatriques tels qu’anxiété, idées noires et/ou gestes suicidaires souvent dans un contexte de maltraitance ».
Comme en témoigne la Pr Gras-Le Guen : « Nos services voient affluer des enfants qui vont mal, On peine à imaginer le poids supplémentaire d’une fermeture des écoles. Ce serait un facteur aggravant majeur. Seule une situation épidémique vraiment incontrôlable pourrait laisser envisager une telle décision ».
L’argumentaire des pédiatres bat en brèche les idées reçues et données discordantes sur le rôle des plus jeunes dans l’épidémie. Selon eux, « d’innombrables études publiées dans des revues scientifiques de haut niveau, dans tous les pays et sur tous les continents, ont confirmé que les enfants de moins de 11 ans, non seulement présentaient beaucoup moins de formes graves, mais étaient aussi moins contaminés et beaucoup moins contaminants ».
Des données rassurantes
Ils rappellent ainsi qu’une seule étude internationale a constaté une charge virale des enfants supérieure à celles des adultes et qu’en France, les analyses préliminaires de l’étude INCOVPED, menée au printemps et « pratiquant une PCR chez tous les enfants admis dans huit services d’urgences pédiatriques français, quel que soit le motif (traumatologie et/ou chirurgie), rapportent moins de 0,5 % de cas positifs pour le SARS-CoV-2 parmi environ 900 enfants testés ».
D’autres données apparaissent rassurantes. En Suède, « où les crèches et les écoles sont restées ouvertes sans port du masque, on observe que les enseignants d'enfants âgés de 7-16 ans avaient deux fois moins de risque de Covid-19 que les adultes exerçant d'autres métiers (OR à 0,43) », est-il souligné.
Les données venues d’Israël montrent par ailleurs que « l’ouverture des écoles ne semble pas avoir de rôle majeur ni dans la résurgence de l’épidémie ni dans l’augmentation des hospitalisations ou décès, contrairement à ce qui est observé lors de réouvertures de rassemblement d’adultes », poursuivent les pédiatres.
Vigilance face aux nouveaux variants
Concernant les nouveaux variants, plus contagieux à tout âge, les données manquent sur leurs impacts d'une éventuelle transmissibilité accrue des enfants. « Les enfants pourraient rester peu contaminés et rarement contaminants », observent les sociétés savantes. Elles appellent ainsi à la « plus grande vigilance », à un « meilleur suivi des mesures de prévention déjà existantes » et une « politique de testing plus qualitative que quantitative avec plus de traçage et d’isolement ».
« Il pourrait être utile, comme l’a annoncé le ministre de l’Éducation nationale, de pouvoir décider d’une fermeture plus tôt compte tenu de la contagiosité pressentie de ce virus », ajoute la Pr Gras-Le Guen, soulignant que des études sont nécessaires pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.
La communauté pédiatrique assure ainsi se tenir prête « à s’impliquer dans une politique de dépistage intensifiée et coordonnée afin de produire en temps réel des données pédiatriques de qualité sur lesquelles les autorités pourraient s’appuyer pour des décisions basées sur les preuves ».
* Société française de pédiatrie et ses sociétés « filles » : Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique, Société française de pédiatrie médico-légale, Groupe de pédiatrie générale et l’Association française de pédiatrie ambulatoire.
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