Maltraitance physique des enfants : l’hospitalisation doit être prioritaire, appelle l’Académie de médecine

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Publié le 10/05/2024
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Déplorant leur mauvais repérage, l’Académie de médecine appelle à hospitaliser les enfants victimes de maltraitances physiques ou susceptibles de l’être, le temps du diagnostic. Elle demande aussi l’amélioration de l’accompagnement et de la protection des médecins confrontés à ces situations.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Un enfant décéderait tous les cinq jours en France des suites de maltraitances physiques. Sous-diagnostiquées, leur prévalence (toutes catégories de maltraitance et négligences confondues) s’élèverait à 1 enfant sur 10 dans les pays à hauts revenus. Malgré une prise de conscience dans le secteur pédiatrique et des améliorations dans la formation des médecins, l’Académie de médecine demande de nouvelles mesures pour améliorer la prise en charge des enfants victimes ou suspects de maltraitances physiques (MPE). À commencer par leur hospitalisation immédiate pour les soigner et les protéger, et ce tant que tous les éléments du diagnostic ne sont pas établis.

Les violences subies durant l’enfance représentent en effet une lourde perte de chance en termes d’espérance de vie (réduction de 20 ans), de santé mentale et physique, de développement, de vie affective, de scolarité, d’insertion socio-professionnelle. Ces enfants ont plus de risques d’être atteints de maladies somatiques et mentales, et de développer des comportements dangereux ou addictifs. À noter, l’Académie consacre son rapport, sur la base d’auditions d’une dizaine d’experts, aux violences physiques, en excluant les violences sexuelles, psychologiques isolées et le harcèlement scolaire.

Éliminer les diagnostics différentiels

« L’hospitalisation d’un enfant victime ou suspect d’une MPE est aussi prioritaire que tout problème chirurgical ou médical urgent. Elle est indiscutable et doit répondre aux besoins médicaux, chirurgicaux et psychoaffectifs de ces enfants », lit-on. L’Académie appelle chaque service pédiatrique à s’organiser « en ce sens », afin d’avoir le temps d’une évaluation multidisciplinaire et d’alerter les autorités en temps utile. Les Unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger (UAPED), dont le déploiement est au menu du dernier plan de lutte contre les violences faites aux enfants (objectif : 164 en 2025), sont ainsi citées en exemple. Mais leurs moyens humains restent insuffisants, tout comme ceux de la médecine scolaire, des PMI et de la pédopsychiatrie.

« Le rôle de l'équipe médicale n'est pas 1) de savoir qui est l’auteur, 2) ni pourquoi, ni de le juger mais de protéger l’enfant », insiste l’Académie. Elle rappelle que le médecin ne « doit jamais mettre un tiers en cause et doit retranscrire entre guillemets les paroles du mineur ou de l’accompagnant » lorsqu’il rédige une information préoccupante auprès de la cellule de recueil du département (Crip), en cas de doute, ou un signalement auprès du procureur de la République, en cas de MPE avérée.

La rue Bonaparte insiste ensuite sur l’importance d’éliminer les diagnostics différentiels de manière pluridisciplinaire (en réunion de concertation pluridisciplinaire dans les cas les plus compliqués), notamment face au syndrome du bébé secoué (SBS), à distinguer du traumatisme accidentel ou des maladies rares. En attendant la réactualisation des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) prévues en 2024, l’Académie demande que la pratique du scanner cérébral soit facilitée, et qu’en amont la prévention soit renforcée, en particulier à l’occasion de l’entretien du 4e mois de grossesse, et tout au long de la maternité (grâce aux sages-femmes et équipes mobiles de psychiatrie).

Protéger les médecins

Tout médecin doit pouvoir être guidé, accompagné et protégé face à des situations de MPE, considère l’Académie. « Les jeunes pédiatres, radiologues ou chirurgiens pédiatres sont réticents à signaler ou témoigner et veulent de moins en moins s’impliquer dans les expertises judiciaires. Ces réticences au signalement de la part des médecins peuvent s’expliquer par la crainte d’être accusé ou de recevoir des menaces, un manque d’expérience et/ou l’absence de retour de leurs actions », analyse-t-elle. Elle pointe aussi « une insuffisance de soutien » des conseils départementaux de l’Ordre (CDOM), relayé par les médecins auditionnés.

Mais elle ne va pas jusqu’à demander comme le veut la Commission indépendante sur l’inceste (Ciivise) une clarification de l'obligation de signalement pour les médecins et la garantie de leur immunité disciplinaire. Elle préconise que les médecins référents « Violences » des CDOM aient une compétence dans le domaine de la MPE.

L’Académie suggère aussi que le périmètre du numéro 119, service national d'accueil téléphonique enfance en danger, soit étendu aux médecins et personnels de santé, afin que leurs appels soient orientés vers les UAPED, qui ont une mission ressource. Enfin, elle demande la création d’un registre national pour suivre l’épidémiologie et juger de l’efficacité des mesures prises.


Source : lequotidiendumedecin.fr