La maladie cœliaque (MC) touche de 1 à 3 % de la population, et ce, dans toutes les régions du monde, à l’exception du Sud-Est asiatique où les gènes de susceptibilité (HLA-DG2 et HLA-DQ8) sont rares.
La fréquence de cette maladie a conduit à rechercher des stratégies préventives, fondées notamment sur l’âge d’introduction des aliments contenant du gluten lors de la diversification alimentaire ou l’allaitement maternel.
Dans ses recommandations de 2008, basées sur l’analyse d’études observationnelles, le Comité de nutrition de l’ESPGHAN avait préconisé d’éviter l’introduction trop précoce (avant l’âge de 4 mois) ou trop tardive (après l’âge de 7 mois) du gluten, et de la pratiquer chez un nourrisson encore allaité par sa mère. Pour sa part, en 2012, l’Académie Américaine de Pédiatrie avait indiqué que l’allaitement maternel jouait un rôle protecteur.
Deux essais contrôlés
Les résultats de deux études cliniques ont conduit l’ESPGHAN à réviser ses recommandations dans un « position paper » publié récemment. Ces deux essais contrôlés randomisés (1, 2) se sont penchés sur l’impact de l’âge d’introduction du gluten sur le risque de développer une auto-immunité (définie par l’apparition d’anticorps) ou une MC durant l’enfance chez des enfants à risque génétique de MC. Or, si l’âge d’introduction du gluten influence effectivement ce risque au cours des deux premières années de vie, en revanche il n’a pas d’impact sur l’incidence cumulée de MC durant l’enfance. Par conséquent, en l’état actuel des connaissances, la prévention primaire de la MC par des mesures nutritionnelles n’est pas possible.
Parallèlement, la revue systématique des études observationnelles menées jusqu’en février 2015 ne montre pas d’effet protecteur de l’allaitement maternel sur le risque de développement d’anticorps ou de MC.
La prise de position publiée par l’ESPGHAN a été élaborée en suivant la méthodologie GRADE (Grading of Recommandations, Assessment, Development and Evaluations).
Les experts rappellent que le risque d’induire une MC par le biais d’un régime alimentaire contenant du gluten ne concerne que les personnes porteuses d’au moins un allèle à risque, soit de 30 à 40 % de la population en Europe et de 75 à 80 % des sujets ayant un parent du premier degré atteint de MC. En l’absence d’antécédent familial, il n’est pas possible de savoir si un nourrisson est porteur d’une mutation à risque et, de ce fait, les recommandations proposées s’appliquent à toute la population de nourrissons.
Quelles sont ces principales recommandations ?
L’allaitement maternel n’a pas fait la preuve de son efficacité pour réduire le risque de MC comparativement à l’absence d’allaitement maternel. Mais les recommandations sur l’allaitement maternel ne doivent pas pour autant être modifiées.
Le fait d’allaiter au moment de l’introduction du gluten, comparativement à une introduction chez un enfant sevré, n’a pas non plus d’impact sur le risque de MC. Ainsi, il ne peut être recommandé d’allaiter lors de l’introduction du gluten dans le but de réduire le risque de MC.
Les experts ont également analysé le rôle éventuel de l’âge d’introduction du gluten. Une introduction entre 4 à 6 mois vs 6 mois n’a pas d’impact sur le risque de développer une MC pendant l’enfance. Les effets d’une introduction plus précoce – avant 3 à 4 mois vs 6 mois ou vs plus de 6 mois, ou bien avant 6 mois vs après 6 mois – restent mal précisés.
Chez les nourrissons à risque, l’introduction du gluten à 6 mois vs 12 mois ne modifie pas l’incidence cumulée de MC, mais celle-ci se développe plus précocement.
Au total, les experts préconisent d’introduire le gluten entre 4 mois (soit 17 semaines) et 12 mois révolus. Le type de gluten ne semble pas jouer de rôle. La quantité optimale de gluten n’a pas pu être précisée, mais l’ESPGHAN recommande d’en éviter un apport important au cours des premiers mois qui suivent la diversification.
Chez les enfants à risque (parent du premier degré atteint de MC), aucune recommandation particulière n’est proposée. La survenue précoce d’une MC ne semble concerner que les sujets homozygotes HLA-DQ2.5, soit de 10 à 15 % des nourrissons avec antécédent familial.
Certaines questions restent donc en suspens – notamment le type et la quantité de gluten – et doivent faire l’objet d’évaluations cliniques spécifiques.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après Szajewska H et al. Gluten Introduction and the Risk of Coeliac Disease: A Position Paper by the European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition. JPGN 2016;62: 507–513.
(1) Vriezinga SL et coll. N Engl J Med 2014;371:1304-15.
(2) Lionetti E et coll. N Engl J Med 2014;371:1295-303.
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