Les mineurs isolés étrangers, renommés mineurs non accompagnés (MNA), sont arrivés en France dans les années 1990. Estimé à 4 000 en 2010, leur nombre s'est élevé à 13 000 en 2016, puis 25 000 en 2017, a rappelé Caroline Rey-Salmon, présidente de l'association CVM, pédiatre et médecin légiste (Unité Médico-judiciaire Hôtel Dieu, APHP).
Il s'agit le plus souvent de jeunes hommes de 15 à 18 ans, venus d'Afrique francophone. Certains ont été mandatés par leur famille, d'autres ont fui conflits et maltraitances familiales, et se sont lancés dans un long voyage marqué par l'errance, les violences (en Libye), et l'omniprésence de la mort. D'autres encore sont exploités voire prostitués par des réseaux, ou dérivent depuis longtemps (comme les jeunes marocains qui vivent dans le quartier de la goutte d'Or, et s'abîment à la colle et au crack).
Leur accueil et leur protection sont du ressort de l'État et des conseils départementaux, mais les médecins sont directement impliqués, que ce soit pour les prendre en charge, ou évaluer leur minorité. L'enjeu est de taille : si le jeune est reconnu comme mineur, il bénéficie de la protection inconditionnelle de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) ; sinon, il risque l'expulsion et le renvoi dans son pays d'origine.
Une fiabilité débattue
Le recours aux tests osseux a été dénoncé à plusieurs reprises par les associations qui y voient un outil de régulation des flux migratoires.
Leur fiabilité est débattue. La comparaison entre une radiographie du poignet avec l'atlas de Greulich et Pyle, conçu dans les années 1930 à partir d'une population américaine blanche, plutôt aisée, montre une bonne corrélation entre l'âge civil et l'âge osseux (qui dépend du niveau socio-économique, non de l'origine ethnique). Mais il reste une incompressible variabilité individuelle, résume le Dr Charlotte Gorgiard, médecin légiste (Unité médico-judicaire de l'Hôtel-Dieu), avec des écarts types qui peuvent aller de 15,6 ans à 19,9 ans pour des individus proches de la majorité française.
Les autres tests, examen de la dentition ou radiographie de la clavicule, butent aussi sur la variabilité individuelle, souligne la médecin légiste.
Que faire ? Est-ce déontologique pour un médecin de procéder à cet acte médical dans un but médico-légal voire politique ?
En Europe seulement cinq pays refusent cette procédure. La France prévoit et encadre les tests osseux dans la circulaire du 31 mai 2013, qui impose leur réalisation dans une unité hospitalière de médecine légale, et une double lecture, et dans la loi du 14 mars 2016. Cette dernière stipule que « les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé ». L'examen des régions génitales et des seins est interdit.
Le médecin doit se prononcer sur la compatibilité avec l'âge allégué par le jeune et préciser le degré de probabilité. « Bannissons le terme de détermination de l'âge ! » exhorte le Dr Gorgiard, et « tentons de communiquer auprès de la justice sur l'intérêt et les limites de ces tests » pour que le magistrat tienne compte de la « petite phrase précisant la marge d'erreur ».
Quant à la déontologie, les médecins sont partagés. En tant que spécialiste formée, le Dr Gorgiard préfère s'en acquitter sur réquisition, plutôt que de savoir l'examen réalisé par un novice, « les études ayant montré que 70 % des médecins non formés se trompent vs 3 % des médecins légistes ». « Oui il y a des conflits intimes. Mais certains départements veulent confier au privé l'évaluation sociale. Au moins, on a un pied dans le système et on se doit de faire des évaluations de qualité », témoigne en écho Anne-Marie Demont, éducatrice spécialisée, de l'Aide sociale à l'enfance de Moselle.
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