DE NOTRE CORRESPONDANT
ON CONNAÎT encore assez mal les conséquences lointaines de la malnutrition prénatale sur la cognition. L’étude de référence, sur ce thème, avait été le travail de l’équipe de Z Stein, menée chez des conscrits de 19 ans, qui n’avait retrouvé aucun impact sur les capacités de raisonnement abstrait. L’équipe de Susanne de Rooij a analysé chez 737 participants, dont 294 (40 %) avaient été exposés, durant la vie fœtale, à la famine de l’hiver 1944-1945, les résultats de plusieurs tests de la cognition, notamment une échelle d’intelligence globale (le test Alice Heim, 4e version), un test de mémoire, une tâche d’apprentissage « moteur-perceptif » et un test d’évaluation de l’attention sélective (Stroop-like color-word incongruency task).
Famine.
Les chercheurs hollandais montrent que les personnes exposées à la famine en période prénatale ont des scores plus bas, à l’épreuve Stroop-like, par rapport aux contrôles (33 vs 43,5, p = 0,047). L’effet est plus marqué, de manière significative (p = 0,002), lorsque l’exposition à la famine avait eu lieu en début de grossesse, cette association n’étant pratiquement pas modifiée par les facteurs confondants. Les auteurs ont calculé que l’impact de la sous-nutrition fœtale est deux fois celui du tabagisme sur la cognition, et comparable à l’effet d’une déviation standard négative dans le niveau d’éducation.
Les chercheurs ont également établi une comparaison en reprenant les critères d’exposition à la famine appliqués en 1972 par l’équipe de Z Stein, et retrouvés, là encore, des performances cognitives réduites à la tâche Stroop-like. En outre, l’association demeurait valide après avoir exclu les participants (n = 96) qualifiés d’inattentifs ou indifférents à cette épreuve. En revanche, la sous-alimentation prénatale n’était pas associée, de manière significative, avec les autres mesures des performances cognitives utilisées dans cette étude.
L’attention sélective.
Cinquante ans après l’étude de référence de Stein, ces nouveaux travaux (qui ont inclus des femmes et pas seulement des hommes) nous apprennent que la malnutrition foetale a un impact à long terme sur certains éléments de la cognition, nommément l’attention sélective, qui est évaluée par la tâche Stroop-like. L’attention sélective, définie comme l’action de centrer volontairement (donc de manière non automatique) sa perception sur certains stimuli en négligeant d’autres stimulis non pertinents (automatiques), est sous la dépendance du cortex préfrontal et on pense généralement que cette fonction décline avec l’âge.
Les Hollandais postulent donc que l’exposition à la sous-alimentation au début de la grossesse pourrait induire, à long terme, un processus de vieillissement cognitif prématuré. La confirmation de cette hypothèse requiert toutefois d’autres études réalisées à un âge plus tardif et sur des cohortes plus importantes. La présente étude, en accord avec les résultats de Stein et coll., ne retrouve pas d’impact sur l’intelligence générale ni sur les fonctions de mémorisation. Mais il est important de rappeler qu’on a récemment découvert (Balota et coll., 2010) que des perturbations des performances aux tâches de type Stroop sont un puissant prédicteur de la maladie d’Alzheimer avant même que la mémorisation ne soit affectée. On peut alors se demander si les sous-performances de l’attention sélective mises en évidence chez ces sujets exposés à la famine en période fœtale ne serait pas le signe d’un déclin cognitif précoce.
SR de Rooij, TJ Roseboom et coll. Prenatal undernutrition and cognitive function in late adulthood. Proc Natl Acad Sci USA (2010) Publié en ligne
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