PAS FACILE d’aborder, avec les parents, la question stigmatisante d’une éventuelle maltraitance. Alors quand il s’agit d’une « simple » négligence et que les arguments manquent de poids, il peut être tentant de « laisser couler » en se disant qu’en fin de compte « ce n’est pas si grave ». C’est ce qui s’est effectivement passé pendant longtemps : le phénomène a été négligé, lui aussi. Or, contrairement aux idées reçues, les conséquences peuvent être graves. Progressivement apparaît un retard psychomoteur « prédestinant » à l’échec scolaire. Physiquement, il peut exister un retard staturopondéral, sans cause organique par ailleurs. Mais plus inquiétant encore, l’enfant carencé affectivement peut être fortement perturbé dans ses relations avec les autres, tantôt en retrait, tantôt agressif. Il est très troublant à ce titre de constater que l’absence de contact peut se révéler parfois plus nocive que les coups et violences… Alors comme le soulignent Stéphanie Bednarek et coll. (Liège, Belgique) dans « la Presse Médicale » en citant Jean Rostand, « Attendre d’en savoir assez pour agir en toute lumière, c’est se condamner à l’inaction ». Certaines situations à risque peuvent mettre « la puce à l’oreille ». Le praticien doit les connaître afin de proposer de l’aide à la famille le plus tôt possible, parfois dès la grossesse.
Trouble de la relation parent-enfant.
Ce qui a beaucoup compliqué la reconnaissance de la négligence, c’est sa définition même. Après avoir été considéré comme une défaillance, intentionnelle ou par omission, à apporter les soins de base nécessaires, le phénomène a été précisé et mieux décrit : négligence physique (nourriture, abri, vêtements), médicale (omission de soins, refus de traitement), déficit d’éducation et de supervision de ses activités, négligence émotionnelle. Une relation parent-enfant harmonieuse permet à l’enfant de se construire et de créer un attachement de type « secure ». Si le parent perçoit mal les signaux émis par son enfant, celui-ci risque de développer des représentations inadéquates d’eux-mêmes et des autres. Il se représente alors comme n’étant pas digne d’être aimé, tandis que les autres ne peuvent être qu’indisponibles ou rejetant. Dépassé par ses difficultés émotionnelles, l’enfant a du mal à établir des relations sociales durables et de qualité.
Cette situation de stress chronique peut avoir des répercussions directes sur le développement cérébral. La production de cortisol peut être augmentée à l’origine de morts neuronales neuronale et de comportements agressifs. De plus, le manque de stimulations peut entraîner un retard de développement des lobes temporaux, impliqués dans le traitement des émotions et des informations sensorielles. Sans oublier les conséquences physiques d’un manque d’hygiène et d’une alimentation déséquilibrée, la négligence pouvant à elle seule entraîner un retard staturopondéral.
Faible statut socio-économique.
Alors comment intervenir ? Les auteurs de l’article insistent sur le repérage des situations difficiles et la sensibilisation des familles. Le faible statut socio-économique est le premier facteur de risque de négligence, et plus précisément les facteurs de stress physiques et sociaux liés aux faibles revenus : difficultés financières, promiscuité, logement inadapté, conflits relationnels… Viennent ensuite l’alcoolisme, la toxicomanie, un vécu de maltraitance ou de placement chez les parents. Mais il y en a d’autres : parents adolescents ou immatures, handicap physique ou trouble psychique, isolement social… Idéalement, le repérage devrait avoir lieu dès la grossesse. Il s’agit d’abord de faire accepter et de préparer la venue de l’enfant. Plus la prise en charge est précoce, meilleurs sont les résultats. Il apparaît ainsi que même si la maman abandonne le suivi, les acquis de l’intervention persistent davantage dans le temps.
Le médecin se doit de sensibiliser les familles en détresse et les aider par des conseils éducationnels simples. Des programmes d’intervention précoce à domicile peuvent aussi être mis en place. Il s’agit de renforcer les compétences de l’enfant et de travailler le lien parent-enfant. C’est à l’aide de jeux et d’activités faisant participer parents et enfants que les intervenants font passer les messages et arrivent à changer les comportements. Il est très important que les parents soient encouragés et valorisés tout au long de l’apprentissage. Une fois le programme terminé, il est indispensable de maintenir un lien avec un référent de confiance, médecin généraliste ou pédiatre, qui permet de soutenir les parents et stabiliser leurs acquis.
Presse Med, 2009 : 38 : 377-383.
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