Alors que le dépistage néonatal inclut désormais sept nouvelles maladies, quels enjeux en matière de coordination européenne, de dépistage génétique et d'accès aux traitements ? Plusieurs experts ont fait le point lors d'un colloque organisé le 23 novembre dernier à l'Institut Imagine à Paris, à l’initiative de l’Association de patients atteints de déficits immunitaires primitifs (Iris), de l’Association Grossesse Santé contre la prééclampsie et de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP).
Avec six maladies dépistées systématiquement à la naissance et la drépanocytose dans les populations à risque (sa généralisation fait l'objet d'une expérimentation sur trois ans), la France se classe 22e sur 30 pays européens, loin derrière l’Italie (48 maladies dépistées), la Pologne (29) ou l’Autriche (29). Avec l’ajout, au 1er janvier 2023 de sept nouvelles maladies, elle se hissera à la 14e place. Le dépistage néonatal bénéficie d'une réglementation spécifique. L'article 27 lui est consacré dans la nouvelle loi de bioéthique.
« L'Organisation mondiale de la santé a mis en place des critères ayant pour objectif d'aider les décideurs à intégrer une pathologie dans un programme de dépistage en population générale (critères de Wilson et Jungner). Ces critères sont communs à tous les pays mais tous ne les appliquent pas de la même façon », souligne le Dr David Cheillan, praticien hospitalier aux Hospices civils de Lyon, vice-président de la Société française de dépistage néonatal (SFDN). De fait, ces critères gardent un caractère subjectif dans leur interprétation, en raison de l’incidence variable des pathologies à travers le monde, de la disponibilité des traitements ou des performances des tests de dépistage disponibles.
Améliorer la coordination européenne
Au niveau européen, chaque pays réfléchit aux moyens d'objectiver ces critères permettant d'intégrer une pathologie dans un programme de dépistage en population générale. « Pour prendre une telle décision, il faut prendre en compte l'ensemble de la problématique : la présence d'un test diagnostique, la prise en charge de la maladie en question, le devenir à long terme des patients, l'organisation du dépistage sur le territoire, l'acceptation du dépistage au sein de la population », détaille le Dr Cheillan.
Aujourd'hui, chaque pays reste souverain dans l'identification des maladies qui pourraient intégrer le dépistage néonatal. Cependant, des initiatives européennes sont en cours pour définir un socle commun aux différents pays de l'Union européenne. Mais elles méritent une meilleure coordination. « Il faudrait notamment créer un comité d'experts européens autour du dépistage néonatal », affirme le Dr Cheillan.
Le dépistage génétique en question
Le diagnostic précoce reste un défi majeur en matière de médecine prédictive. « Il ne s'agit en aucun cas d'eugénisme ! Le dépistage néonatal apporte un bénéfice médical pour des maladies graves, mortelles pour lesquelles nous disposons de solutions curatives », indique le Pr Pascal Pujol, médecin généticien spécialisé en cancérologie au CHU de Montpellier, président de la SFMPP.
L’article 27 de la loi de bioéthique a introduit la possibilité de réaliser des tests génétiques en première intention dans le cadre du dépistage néonatal. Dans ce domaine, les défis sont nombreux. Exemple frappant : une expérimentation va bientôt débuter dans les régions Grand Est et Nouvelle-Aquitaine pour le dépistage de l'amyotrophie spinale, cette maladie dégénérative mortelle dans 60 à 80 % des cas. « Depuis cinq ans, trois traitements modifient profondément l'évolution de cette maladie. Or, aujourd'hui beaucoup d’enfants n'y ont pas accès en France. Pour pallier cette situation, nous avons lancé un projet pilote de deux ans et, en fonction des résultats, nous espérons bien étendre le dépistage néonatal de l'amyotrophie spinale à la France entière », avance le Pr Vincent Laugel, chef de pôle neuropédiatrie, coordonnateur médical pédiatrie du Centre de référence des maladies neuromusculaires au CHU de Strasbourg.
À l’avenir, « la question de l’intégration des outils de séquençage haut débit aux programmes de dépistage néonatal (pour dépister plus de maladies génétiques rares) sera centrale et deviendra un enjeu majeur pour notre pays », conclut le Dr Cheillan.
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