Crise de la pédiatrie : la situation se dégrade selon la quasi-totalité des médecins interrogés par les conférences de CME

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Publié le 26/10/2022
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Crédit photo : AFP

Depuis plusieurs semaines, il ne cesse de lancer l'alerte, surtout depuis que l'épidémie de bronchiolite s'est déclarée en avance. Le Pr Rémi Salomon, président de la Conférence nationale des présidents de CME de CHU, a dévoilé ce mercredi les résultats d’une enquête flash portant sur les services de pédiatrie en France, réalisé avec ses homologues des CH. Interrogés du 14 au 21 octobre dernier, la quasi-totalité des pédiatres de 89 établissements (7 CHU et 82 CH) estiment que la situation se dégrade actuellement, tandis que plus de la moitié considèrent qu’elle est « déjà dégradée ».

Ces difficultés sont attribuées, selon eux, à une offre insuffisante de consultations non programmées par la médecine de ville (seuls 20 % des enfants admis aux urgences sont hospitalisés). Ils soulignent aussi un manque de lits d’hospitalisation faute de personnel ainsi qu'un« recours inadapté de certaines familles aux consultations ». Or aux urgences, la durée moyenne de passage est supérieure à deux heures selon les trois quarts des pédiatres qui ont répondu à l'enquête. Et seuls 8 % des pédiatres hospitaliers interrogés estiment que le secteur libéral participe à la prise en charge en pédiatrie et 33 % de « manière insuffisante ».

Risque de perte de chance

Ensuite, dans plus de 70 % des cas, les hospitalisations se font au-dessus des capacités en lits dont dispose l’hôpital, rapporte l’enquête qui met en évidence que le renvoi d’enfants à domicile faute de lits disponibles est « fréquent » selon un quart des répondants. Pire : 42 % des pédiatres estiment devoir reporter des soins programmés (interventions chirurgicales, etc.) « avec un risque de perte de chance ».

Les trois quarts des pédiatres interrogés déclarent être amenés à organiser des transferts de patients vers d'autres établissements à plus d'heure de route, des transferts qualifiés de complexe pour 57 % de praticiens à très complexe pour 20%. La plupart n’ont pas le choix : les enfants sont « dépendants du système public » lorsque des soins spécialisés et interventionnels sont requis « car il n’existe quasiment pas d’alternative dans le secteur privé », estiment les auteurs de l’enquête. Cerise sur le gâteau : les hôpitaux et les services de pédiatrie accueillent des centaines d’adolescents en détresse psychique dans des conditions jugées « insuffisantes » dans la grande majorité des cas.

Enveloppe insuffisante

Le déblocage ce week-end de 150 millions d’euros semble montrer que le gouvernement a pris conscience de la gravité de la situation, relèvent les deux conférences. Mais, selon elles, cette enveloppe ne suffira pas à résoudre le cercle vicieux des départs « si les mesures prises temporairement pour valoriser la permanence des soins et les heures supplémentaires à un juste niveau de rémunération ne sont pas pérennisées dès maintenant ».

Pour les auteurs de l’enquête, les solutions pour redonner de l’attractivité à ces métiers sont pourtant « connues ». Il faudrait tout d’abord un « rattrapage indispensable » sur le plan salarial comparativement aux autres pays européens, mais aussi une « équité de rémunération pour une même activité et ancienneté ». Les conditions de travail doivent également être améliorées, ce qui doit passer par des équipes « en nombre suffisant pour prendre en charge correctement les patients ».

François Braun interpellé

La crise de la pédiatrie gagne à présent le débat politique. Lors de la séance des questions au gouvernement mardi, le ministre de la Santé a été notamment interpellé par la députée LFI de la Sarthe, Élise Lebouche.

Confronté à une crise de la pédiatrie, le ministre propose « un plan blanc, des heures supplémentaires rémunérées, des assises. Et ensuite quoi ? Un numéro vert ? », a poursuivi l’éducatrice spécialisée qui a demandé à François Braun de prendre ses « responsabilités ». A quoi, l’ancien président du Samu Urgences de France (Sudf) a aussitôt répliqué : 

Quant aux transferts de patients, ils ne seraient pas synonymes de « dégradation de la prise en charge des enfants » pour François Braun mais permettraient, selon lui, de « garantir aux enfants une meilleure prise en charge en les mettant au meilleur endroit ».


Source : lequotidiendumedecin.fr