Le dépistage néonatal est une démarche de santé publique visant à rechercher, chez l’ensemble des nouveau-nés, certaines maladies rares, mais graves, d’origine génétique pour la plupart. L’enjeu est de mettre en œuvre avant l’apparition des symptômes, des mesures appropriées afin d’éviter ou de limiter les conséquences de ces maladies.
Des critères bien définis
Les critères à prendre en considération dans le choix des maladies à dépister ont été définis en 1968 par l’OMS (critères de Wilson et Jungner). « Les principaux sont les suivants : l’existence d’une phase présymptomatique pendant laquelle on peut agir, la connaissance de l’histoire naturelle de la maladie, l’importance du problème pour l’individu et la société, la disponibilité d’un traitement efficace, la fiabilité et l’acceptabilité du test de dépistage et un bénéfice médicoéconomique », explique le Dr Jean-Baptiste (centre de référence des maladies héréditaires du métabolisme, Hôpital Necker-Enfants Malades, Ap-Hp). Actuellement, six maladies sont dépistées à la naissance : la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la mucoviscidose, le déficit en MCAD (medium-chain-acyl-coa déshydrogénase) et la drépanocytose.
L’arrivée de la spectrométrie de masse en tandem
« La plupart des autres pays européens ont déjà étendu le dépistage néonatal à d’autres maladies héréditaires du métabolisme, explique le Dr Arnoux. L’arrivée de la spectrométrie de masse en tandem a révolutionné le dépistage. Elle permet de dépister de nombreuses maladies à partir d’un seul prélèvement sanguin, notamment le groupe des maladies qualifiées d’erreurs innées du métabolisme. Or, cette technique n’est arrivée en France qu’il y a un an et demi. Les premières recommandations de la Haute autorité de santé [HAS] pour l’extension du dépistage néonatal datent de 2011 et il a fallu attendre neuf ans pour avoir à notre disposition les machines performantes. »
Dans le cadre du Plan national maladie rare 2018, la HAS a pour mission d’accélérer l’extension du dépistage néonatal. En 2020, une recommandation de sa part a ainsi préconisé l’introduction de sept maladies héréditaires du métabolisme intermédiaire dans le programme de dépistage néonatal.
On peut les classer en trois groupes : les aminoacidopathies (homocystinurie classique [HCY], tyrosémie de type 1 [TYR-1] et leucinose [MSUD]), les aciduries organiques (acidurie isovalérique [AIV] et acidurie glutarique de type-1 [GA-1]) et les déficits de béta-oxydation des acides gras (déficit en déshydrogénase des hydroxyacyl-CoA de chaîne longue [LCHAD] et déficit en captation de carnitine [DPC]). Ce sont déjà les sept maladies le plus souvent dépistées en Europe.
Sept maladies héréditaires du métabolisme intermédiaire
— La tyrosémie de type 1 (prévalence 1/125 000) est généralement diagnostiquée dans les premiers mois de vie sur une insuffisance hépatocellulaire aiguë avec vomissements, diarrhée, ictère… Le traitement repose sur un médicament par voie orale, le NTBC, en association avec un régime pauvre en protéines.
— L’homocystinurie classique (1/340 000) est une maladie qui présente plusieurs degrés de gravité, dont un retard psychomoteur léger à modéré et des accidents thromboemboliques très sévères (embolie pulmonaire, AVC…). Le traitement repose sur un régime hypoprotidique, de la vitamine B6 pour les patients répondeurs et la bétaïne.
— La leucinose (1/130 000) se caractérise dans sa forme néonatale par un coma d’intoxication à la leucine. « Le diagnostic repose sur le dosage de la leucine mais trop peu de laboratoires le pratiquent. On espère, grâce au dépistage, améliorer la survie et les séquelles neurologiques à la suite de ce coma », souligne le Dr Arnoux. Le traitement consiste en un régime hypoprotidique complété par un apport en acides aminés non ramifiés, vitamines, minéraux, etc.
— L’acidurie isovalérique peut se révéler sur un coma au cours de la petite enfance, à l’occasion d’une fièvre ou d’un jeûne. Un régime limité en protéines est nécessaire au quotidien, ainsi que des mesures de prévention en cas de situation à risque de décompensation.
— L’acidurie glutarique de type 1 (1/110 000) est une maladie qui peut se révéler avant 3 ans par un syndrome de Leigh (encéphalite aiguë des noyaux gris centraux), provoquant une dystonie pouvant entraîner un handicap sévère au décours d’une fièvre ou d’un épisode de jeûne prolongé (gastro-entérite). Le régime, là aussi, doit être limité en protéines.
— Le déficit en LCHAD apparaît pendant la petite enfance sous forme sévère : décompensation métabolique aiguë, hypoglycémie, insuffisance hépatocellulaire aiguë, rhabdomyolyse, atteinte cardiaque… Le traitement comprend un régime pauvre en graisse et le jeûne doit être évité.
— Le déficit en captation de la carnitine se manifeste dans la petite enfance par une myocardite pouvant indiquer une transplantation cardiaque. Le traitement oral par L-carnitine permet de normaliser la fonction cardiaque et doit être poursuivi à vie.
« Grâce au dépistage néonatal, on s’attend à une nette amélioration du pronostic des patients atteints de ces sept maladies », ajoute le Dr Arnoux.
Exergue : « On s’attend à une nette amélioration du pronostic de ces sept maladies »
Entretien avec le Dr Jean-Baptiste Arnoux (Paris)
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024