Après une apparition au début des années 1970, puis un démarrage sérieux au début des années 1980, la chirurgie réfractive ne connaît qu’une croissance lente, entrecoupée de haut et de bas. C’est paradoxal car la sécurité, la facilité et la technologie se sont grandement améliorées parallèlement à l’obtention d’excellents résultats et d’un service rendu à forte valeur ajoutée.
En France, moins de 90 000 lasers réfractifs purs sont réalisés chaque année depuis 2010, la variation annuelle est faible. L’arrivée de nouvelles méthodes, comme le Smile, n’a rien changé. On a vu que la part Lasik a un peu diminué, au profit de la PKR, par extension des indications de prudence. Parfois, des chiffres plus importants sont avancés, mais ils englobent la chirurgie réfractive du cristallin et les plus rares implants intraoculaires phaques. Un nombre élevé de ces chirurgies d’échange de cristallin sont étiquetées de façon abusive comme cataracte. Les diverses commissions ad hoc étendent les signes de la cataracte à des symptômes divers, qui peuvent même être présents avec une acuité visuelle à 10/10. Ainsi la cotation demeure légitime. Mais, même avec ce stretch, le débit reste assez bas.
À l’étranger, le phénomène est semblable, avec des variantes locales. L’Espagne et l’Italie sombrèrent, en raison de prix trop bas pour la première et trop élevés pour la seconde, sans compter les nombreux aléas chirurgicaux notés à l’époque. Le Royaume-Uni reste celui des chaînes et l’Allemagne celui des prix chers. La France a des tarifs plutôt raisonnables : de faible à moyen. Enfin, les États-Unis retrouvent une croissance faible et réelle due, au bon état de l’économie.
Le seul indicateur de l’activité réfractive était par le passé l’indice confiance des ménages ou l’indice de la consommation mais ce n’est plus le cas depuis 4 ans. Il ne reste que celui de l’activité des œuvres d’art contemporaines (voir figure), hors chefs-d’œuvre !
Si l’on pointe les différentes questions, du moins dans les pays avancés, aucune n’apporte une réponse suffisante. Manque de patients ? Mais le tiers de la population a un besoin de correction permanente. Manque d’information aux candidats ? Mais, dans la plupart de ces pays, la publicité est autorisée sous une forme ou une autre – seule la France bloque complètement. Opposition des professionnels de l’optique ? Mais cette donnée, présente au départ est devenue marginale, car ces métiers sont prospères et se concurrencent sans se dénigrer. Manque d’enthousiasme des médecins non-opérateurs ? Cela est de moins en moins vrai, au fur et à mesure du rajeunissement des ophtalmologistes. Ignorance des patients ? C’est exact pour une fraction de la population. Peur d’une opération concernant les yeux ? Certainement une des raisons principales, mais à relativiser lorsqu'on sait que le recours à la chirurgie esthétique (non dénuée d’incidents), est en forte augmentation. Qualification de l’offre optique prothétique en France (lunettes et lentilles de contact) ? C’est un paramètre important, car cet état procure à tous les Français une très bonne couverture des besoins et atténue la nécessité de la chirurgie. Remboursement inexistant par la SS ? C’est un facteur non négligeable mais là aussi à mettre en pointillé car, d’une part, un remboursement partiel existe par la plupart des mutuelles et assurances, et d’autre part le low cost est présent, par le biais de divers réseaux de soins et par des cabinets médicaux paupéristes.
Formation universitaire embryonnaire
Cette revue des causes possibles représente un classeur, où chaque item est juste, seul ou associé. Mais les choses sont plus complexes. La chirurgie réfractive est une activité à part dans le monde ophtalmologique. Elle ne s’adresse qu’à des yeux parfaitement sains, chez des sujets en bon état général. Ces derniers sont des volontaires, car il s’agit d’une opération de convenance, mais dont la spécificité est aussi d’être réparatrice. En effet, la fonction visuelle est modifiée définitivement et il s’agit d’une action thérapeutique lourde, en termes d’indication. Elle ne peut être proposée qu’à des sujets comprenant bien l’information et mesure de délivrer un consentement extrêmement éclairé. Cet aspect explique une faible empathie de la part des jeunes diplômés pour la discipline. Peu cherchent à quitter la pathologie et le confort des actes médicaux imposés. Ajoutons qu’une acceptation du goût du risque est un prérequis. Les ophtalmologues formés sont donc peu nombreux pour plusieurs raisons : bien peu de CHU disposent de lasers réfractifs (moins de 10 pour toute la France) ; les enseignants universitaires compétents pour ce champ sont très peu nombreux et la plupart ont des débits opératoires personnels peu importants, l’exception étant ceux qui ont un secteur privé dédié : ils sont tout au plus 4 en France.
La formation pratique des internes est quasi inexistante, sauf pour ceux qui passent dans des services hospitaliers, universitaires ou non, équipés. Les assistants opèrent en faible nombre et ne délèguent pas. En revanche, les diplômes théoriques font florès : décalage propre aux pays latins, comme l’Italie et la France. L’offre est donc réduite au sortir des années pédagogiques. En revanche, le compagnonnage est bien développé en secteur libéral car c’est la seule école du réel. Il est soutenu par les fabricants, les établissements de santé et centres et enfin par les médecins seniors. Les jeunes médecins entendent que la chirurgie réfractive est moquée, car considéré comme lucrative (q.s. « tous les livres sur l’argent en France ») mais ils ignorent combien elle est à fort rendement et sans danger, à la condition d’être rigoureux et prudent. Le service rendu au patient est majeur, et à la mesure de son anxiété.
Clinique de la Vision, Paris, groupe Visya
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