Les médicaments dopaminergiques utilisés dans le Parkinson ralentiraient l’évolution de la DMLA humide

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Publié le 04/09/2024

Une équipe française décrypte les mécanismes grâce auxquels les médicaments dopaminergiques utilisés dans le Parkinson pourraient ralentir la progression de la DMLA néovasculaire. Ils activent en effet le récepteur DRD2 qui bloque la formation des vaisseaux sanguins dans l’œil. Une piste pour alléger le fardeau thérapeutique que sont les injections intravitréennes.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les médicaments dopaminergiques utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson pourraient ralentir la progression de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) sous sa forme néovasculaire, dite « exsudative » ou « humide », mettent en lumière des chercheurs français.

Première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans, la DMLA se traduit par une dégradation d’une partie de la rétine – la macula – qui peut mener à la perte de la vision centrale. Très invalidante, elle ne rend jamais totalement aveugle puisque la partie périphérique de la rétine reste intacte. Contrairement à la forme sèche, qui ne dispose actuellement en Europe d’aucun traitement curatif, la forme néovasculaire, caractérisée par la prolifération de vaisseaux sanguins dysfonctionnels sous la rétine, peut être ralentie par des injections régulières administrées directement dans l’œil du patient (intravitréennes). Nécessaires, elles représentent néanmoins un fardeau thérapeutique important du fait de la fréquence des piqûres, mensuelles ou bimestrielles. D’où l’intérêt d’explorer des alternatives pour les patients.

Dans ce travail publié dans The Journal of Clinical Investigation, des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de Sorbonne Université à l’Institut de la vision à Paris, en lien avec le CHU de Lyon, l’université de Bourgogne et l’Institut du cerveau à Paris, sont partis d’un constat : les patients souffrant de Parkinson et traités par L-Dopa, médicament précurseur de la dopamine, présentent un risque réduit de DMLA humide. Mais les mécanismes sous-jacents de cette protection potentielle restaient méconnus.

Activation du récepteur DRD2

Pour les explorer, les chercheurs se sont penchés sur des modèles cellulaires et animaux. Ils ont ainsi montré que c’est bien la L-Dopa qui est responsable de la réduction de la néovascularisation choroïdienne, et non les mécanismes pathologiques de la maladie de Parkinson, ni l’administration (systématiquement concomitante) d’un inhibiteur de la dopadécarboxylase (IDDC) périphérique (ici, le bensérazide). Ceci, car la L-Dopa active un récepteur spécifique du cerveau, appelé DRD2. Cette activation du DRD2 bloque la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans l’œil, un processus clé dans le développement de la DMLA néovasculaire.

Puis les chercheurs ont analysé les données de santé de plus de 200 000 patients atteints de DMLA humide en France, issues du système national des données de santé (SNDS), sur la période 2007-2018. Résultat : les patients qui prenaient de la L-Dopa ou d’autres médicaments agonistes du DRD2 pour traiter leur maladie de Parkinson développaient la DMLA plus tard dans leur vie, à 83 ans, au lieu de 79 ans pour les autres patients DMLA. De plus, dans la deuxième année de traitement, ils nécessitaient moins d’injections intravitréennes (-0,6 injections annuelles par 100 mg/jour d’agonistes de DRD2, et -0,13 injections annuelles par 100 mg/jour de L-Dopa). Un effet dose-dépendant, pour ces deux traitements, notent les chercheurs.

« Ces résultats ouvrent des perspectives inédites pour les patients atteints de DMLA dans sa forme humide. Nous avons maintenant une piste sérieuse pour retarder l’évolution de cette maladie et réduire le fardeau des traitements actuels », commente Florian Sennlaub, directeur de recherche Inserm à l’Institut de la vision (CNRS/Sorbonne Université/Inserm), dans un communiqué de l’Inserm. Cette étude conforterait ainsi le recours systématique à des agonistes de DRD2 en prévention, lit-on en conclusion. « Les médicaments dopaminergiques, au-delà de leur rôle dans la maladie de Parkinson, pourraient avoir un effet bénéfique dans la prévention et le traitement de la DMLA néovasculaire » abonde le Pr Thibaud Mathis (hôpital de la Croix-Rousse – Hospices civils de Lyon, Université Lyon 1, Institut de la vision).

Deux formes de DMLA

La DMLA néovasculaire ou humide est caractérisée par la prolifération de nouveaux vaisseaux dysfonctionnels sous la rétine. Le sang peut se diffuser à travers leurs parois et conduire à la formation d’un œdème maculaire. Du sang s’échappe parfois de celui-ci et entraîne l’apparition d’hémorragies rétiniennes. En l’absence de prise en charge, l’évolution peut être rapide avec une perte de la vision centrale en quelques semaines voire jours. Mais ce processus peut aujourd’hui être stoppé grâce à des médicaments (anti-VEGF) injectés dans l’œil, qui inhibent la croissance de nouveaux vaisseaux. Néanmoins, après plusieurs années de traitement, la maladie peut évoluer vers une forme atrophique.

Dans la DMLA atrophique ou « sèche avancée », les photorécepteurs de la macula disparaissent progressivement, suivis par les cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien. Ce processus génère des trous de taille croissante dans la macula, visibles par une simple observation de la rétine (fond d’œil). Ce processus est lent : il s’écoule en général entre cinq et dix ans avant que le patient ne perde sa vision centrale. Actuellement, aucun traitement pour cette forme de DMLA n’est autorisé en Europe.

Des formes mixtes de la maladie peuvent être observées, et chacune de ces deux formes peut précéder l’apparition de la seconde. Elles sont de prévalence équivalente.


Source : lequotidiendumedecin.fr