« AUJOURD’HUI les femmes enceintes reçoivent trop souvent des suppléments polyvitaminiques, des oligoéléments ou des préparations « spéciales grossesse », qui n’ont fait aucune preuve de leur utilité dans notre pays, où la population n’a pas, en général, de carences nutritionnelles », explique le Pr Bruno Carbonne* . Les seuls suppléments validés et recommandés sont la vitamine D, le fer et l’acide folique. Toutes les femmes enceintes devraient ainsi recevoir au début du septième mois de grossesse une ampoule de 100 000 UI de vitamine D. Il convient aussi de dépister une anémie par une numération formule sanguine au sixième mois. Il est alors assez tôt, dans la majorité des cas, pour entreprendre une supplémentation en fer et corriger l’anémie avant l’accouchement. Chez certaines femmes à risque, en particulier les femmes originaires d’Afrique, celles qui souffrent de pathologies chroniques ou encore en cas de grossesses rapprochées, le dépistage doit être réalisé dès la première consultation prénatale afin de corriger précocement une carence en fer.
Une supplémentation en magnésium est souvent prescrite. Elle ne doit pas être systématique, mais réservée aux femmes qui se plaignent de crampes. « Même si son efficacité n’a pas été démontrée de façon formelle, dans la pratique, les patientes sont soulagées ». En revanche, préconisé il y a quelques années en prévention de la pré-éclampsie, le calcium n’a pas d’indication chez la femme enceinte. « Les apports calciques sont en général suffisants, mais c’est la vitamine D qui manque », précise le Pr Carbonne. Le fluor, également recommandé à une certaine époque dans le cadre de la prévention des caries chez l’enfant à naître, ne doit plus être prescrit pendant la grossesse.
Trois mois avant la conception.
Les femmes enceintes devraient actuellement bénéficier d’une supplémentation en acide folique dans le cadre de la prévention primaire des anomalies de fermeture du tube neural. La posologie recommandée est de 0,4 mg/j, trois mois avant la conception et jusqu’à la dixième semaine de grossesse. Cette mesure qui a fait la preuve de son efficacité n’est pourtant pas connue de bon nombre de médecins et encore moins du public. Les gynécologues sont généralement au fait de cette recommandation, mais les femmes ne viennent les consulter que lorsqu’elles sont déjà enceintes. Dans certaines situations à risque (antécédents d’anomalies de fermeture du tube neural, patientes sous antiépileptiques), une supplémentation quotidienne par 10 mg (deux fois 5 mg) d’acide folique est indispensable.
Comme les consultations prénuptiales ont été abandonnées, il faudrait donc développer des consultations préconceptionnelles, qui permettraient de repérer les facteurs de risques et d’envisager l’ensemble des dépistages et précautions avant une éventuelle grossesse. « Les médecins pourraient sensibiliser leurs patientes très en amont, lorsqu’elles consultent pour commencer une contraception ou en changer. En effet il est rare qu’elles prennent rendez-vous quand elles décident de l’arrêter », souligne le Pr Carbonne. Si les médecins doivent être mobilisés pour assurer cette prévention, il faudrait aussi informer plus largement le public.
Enfin, des travaux sont en cours afin d’évaluer l’intérêt d’une supplémentation en iode. En effet, les hypothyroïdies asymptomatiques sont assez fréquentes en début de grossesse. Une réflexion est en cours avec le Collège national des gynécologues et obstétriciens français et la Société française d’endocrinologie, mais il n’y a pas pour le moment de recommandation officielle.
* D’après un entretien avec le Pr Bruno Carbonne, hôpital Saint-Antoine, Paris.
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