DE NOTRE CORRESPONDANTE
LES NEUROTOXIQUES organophosphorés de guerre comme le sarin (utilisé sous forme de gaz dans un attentat dans le métro de Tokyo en 1995), et a un moindre degré les pesticides organophosphorés, sont tous des agents létaux. Ils inactivent l’acétylcholinestérase, l’enzyme dégradant l’acétylcholine, et l’accumulation induite de l’acétylcholine stimule en excès les récepteurs cholinergiques, produisant des troubles cardiorespiratoires et neurologiques potentiellement fatals.
Le traitement antidote standard par atropine (anticholinergique) et pralidoxime (réactivateur des cholinestérases) peut sauver la vie mais ne prévient pas la crise cholinergique et les séquelles qui en résultent.
La prophylaxie, dont l’objectif est d’intercepter les organophosphorés avant même qu’ils atteignent les organes cibles, repose actuellement sur la butyrylcholinestérase ; toutefois cette enyme ne protège que contre de faibles expositions aux neurotoxiques.
Des enzymes qui dégradent les organophosphorés font l’objet de recherches depuis plus de cinquante ans. On sait par exemple que la paraoxonase sérique PON1, trouvée chez l’homme et les autres mammifères, dégrade par hydrolyse les neurotoxiques G, avec cependant une faible efficacité et une action ciblant principalement les isomères R moins toxiques.
Une équipe israélienne dirigée par le Dr Dan Tawfik (Weizmann Institute of Science, Rehovot, Israel) a exploité l’ingénierie enzymatique afin d’identifier une version modifiée de cette enzyme qui possède une activité supérieure vis-à-vis des isomères toxiques du cyclosarin et d’autres agents de type G.
En pratique, les chercheurs ont exposé la PON1 (une version recombinante) à une mutagenèse aléatoire et ciblée, puis les versions mutantes de l’enzyme ont été soumises à un dépistage à haut-débit afin d’identifier les enzymes variantes qui dégradent efficacement un analogue du cyclosarin (coumarine) et le cyclosarin lui-même.
La variante la plus active de l’enzyme (rePON1-4E ) s’est également montrée capable de dégrader, de manière efficace, deux autres agents G - le sarin et, plus particulièrement, le soman.
Une décontamination enzymatique efficace.
Enfin, les chercheurs ont montré l’efficacité prophylactique de cette nouvelle enzyme dans un modèle animal. En effet, les souris prétraitées par l’enzyme (rePON1-4E9 ; 2,2 mg/kg) une heure avant l’exposition intraveineuse à une dose létale d’un analogue du cyclosarin (coumarine) ont un taux de survie de 75 % à vingt-quatre heures et 65 % à quatorze jours, par rapport à des taux de survie de 22 % à vingt-quatre heures et 0 % à quatorze jours lorsque les souris reçoivent seulement le traitement standard (atropine et pralidoxime), et de 0 % à douze heures lorsque les souris ne sont pas traitées.
« En plus de développer par ingénierie une telle enzyme variante, nous avons aussi mis au point une méthodologie de dépistage qui ouvre la voie à l’ingénierie d’une variété d’enzymes pour la détoxification des neurotoxiques et des pesticides », précise au « Quotidien » le Dr Dan Tawfik du Weizmann Institute of Science (Israël).
L’équipe envisage maintenant de trouver une ou plusieurs variantes enzymatiques qui dégradent tous les neurotoxiques de type G, et en particulier le sarin (GB) et le soman (GD), de façon à ce que cette enzyme, ou ce cocktail enzymatique, procure une large couverture protectrice ; les chercheurs envisagent aussi de conduire des tests in vivo plus rigoureux des enzymes variantes.
« Le défi demeure de développer un traitement post-exposition, confie le Dr Tawfik, en espérant que ce traitement puisse aussi être utile pour l’empoisonnement par les pesticides, un sérieux problème chez les fermiers. »
› Dr VÉRONIQUE NGUYEN
Nature Chemical Biology, Gupta et coll., 9 janvier 2011, DOI: 10.1038/nchembio.510)
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