Jusqu’ici, le classement d’une neuropathie axonale ou démyélinisante sur les données de l’électroneuromyogramme (ENMG) ne choquait personne et le glissement vers l’anatomopathologie s’admettait facilement. La démyélinisation était illustrée par l’allongement des latences distales, la réduction des vitesses, l’allongement des ondes F, les blocs de conduction et la dispersion temporelle. Pourtant, depuis longtemps, des questions restent en suspens : comment expliquer qu’un patient avec une neuropathie à bloc corrige son déficit dès le début d’un traitement par IgIV. Ce « timing » n’est pas compatible avec une remyélinisation ! À l’inverse, peut-être avez-vous été déjà été surpris par un patient Guillain-Barré démyélinisant revu à 6 mois avec une évolution défavorable et une atrophie. Vous seriez-vous trompé sur la « physiopathologie ENMG » démyélinisante ?
En 2013, Uncini et al. (1) ont proposé une relecture de la classification axonale ou démyélinisante des neuropathies avec anticorps anti-gangliosides. Ce travail permet de dépasser la classification habituelle et les limites évoquées plus avant, pour définir le concept de nodoparanodopathies. Le nœud de Ranvier est connu pour son implication dans la conduction du potentiel d’action. La gaine de myéline agissant comme un isolant, le signal électrique progresse par bonds d’un nœud de Ranvier non isolé à un autre. L’architecture du nœud de Ranvier est maintenant mieux connue. Le nœud de Ranvier se décompose en 3 parties : le nœud, le paranœud et le juxta-paranœud. C’est une zone d’ancrage de la myéline compacte à l’axone via différentes protéines clés. C’est aussi le site de regroupement de canaux sodiques et potassiques voltage dépendants, directement impliqués dans la conduction de l’influx nerveux. Uncini et al. ont ainsi illustré trois situations en mettant en parallèle l’anatomopathologie, l’immunohistochimie et l’ENMG. Les deux premières correspondent à la situation d’acute motor axonal neuropathy (AMAN). Dans un cas, le mécanisme physiopathologique correspond à l’attaque immunologique des nœuds de Ranvier via les anticorps anti-GM1 puis le complexe d’attaque du complément. Il en découle un déficit moteur et un aspect de bloc de conduction. Il n’y a pas ou peu de démyélinisation et la récupération clinique et électrophysiologique peut être rapide. Dans un autre cas, il y a une attaque immunologique des nœuds de Ranvier, suivie d’une lésion et d’une dégénérescence de l’axone. La récupération sera lente et le pronostic mauvais. L’autre situation correspond à l’inflammatory demyelinating polyradiculoneuropathy (AIDP). La réaction immunitaire se fait contre la myéline sans atteinte de l’axone. La récupération pourra être favorable dans un délai correspondant à la remyélinisation. En pratique, la réalisation d’un ENMG de contrôle à un mois de l’ENMG diagnostique paraît incontournable pour pouvoir statuer sur le pronostic d’un Guillain-Barré.
PIDC : des anticorps récemment mis au jour
Les polyradiculoneuropathies inflammatoires démyélinisantes chroniques (PIDC) sont des neuropathies d’origine dysimmune responsables de déficits sensitifs et moteurs invalidants qui peuvent toucher l’adulte jeune. Il existe une grande hétérogénéité phénotypique (formes à début aigu, subaigu, sensitives ou motrices pures…) et pronostique puisqu’environ 15 % des patients ne répondent à aucun des traitements validés. Le diagnostic de PIDC, en l’absence de marqueur spécifique, repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques, électrophysiologiques et évolutifs sous traitement. La physiopathologie des PIDC demeure mal connue, de même que les cibles antigéniques impliquées. Elle fait intervenir différents acteurs de l’immunité cellulaire, humorale, le système du complément et les macrophages. La persistance des phénomènes inflammatoires au sein des nerfs périphériques est sous-tendue par un défaut des mécanismes immunorégulateurs (2). Les recherches récentes ont mis en évidence la présence d’anticorps contre des molécules constituant les jonctions nodales et paranodales : la contactin 1 (3) et neurofascin 155 (4). Ces protéines ont un rôle important dans la formation et la maintenance des nœuds de Ranvier permettant la conduction saltatoire. Plus récemment, un anticorps dirigé contre une protéine de la gaine de myéline, la vinculine, a été rapporté (5).
CHU de Saint-Étienne
(1) Uncini A et al. Clin Neurophysiol 2013;124(10):1928-34
(2) Svahn J et al. Rev Neurol 2014;170(12):808-17
(3) Querol L et al. Ann Neurol 2013;73(3):370-80
(4) Ng JK et al Neurology 2012;79(23):2241-8
(5) Beppu M et al. J Neuroimmunol 2015;287:9-15
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