Des médecins du CHU de Lille ont réalisé la première démonstration de l’efficacité et de la sécurité d’un nouveau dispositif de perfusion cérébrale de dopamine en anaérobie, développé par InBrain Pharma. Une avancée qui se révèle prometteuse.
Depuis presque 60 ans, la prise orale de lévodopa (L-dopa), le précurseur de la dopamine, constitue la pierre angulaire de la prise en charge de la maladie de Parkinson. Mais avec le temps, la L-dopa se montre moins efficace et induit des dyskinésies et fluctuations de mouvement handicapantes. La stimulation cérébrale profonde peut, dans certains cas, diminuer ces effets secondaires et réduire la bradykinésie, la rigidité musculaire et les tremblements qui ne sont plus contrôlés par le traitement, mais peu de patients sont éligibles.
Des travaux ont été menés sur des modes alternatifs de délivrance de la dopamine : voie sous-cutanée ou entérale. Aucun ne s’est montré satisfaisant jusqu’à aujourd’hui, mais cela pourrait bientôt changer à en croire les résultats lillois publiés dans Nature Medicine.
Plus de 4 heures de contrôle total supplémentaire par jour
Douze patients ont été recrutés dans le cadre de l’étude de phase 1/2 Dive-I. Ces malades avaient moins de 75 ans, ne présentaient pas de troubles cognitifs non contrôlés, avaient cinq prises de traitement oral par jour et souffraient d’au moins deux heures de blocage et une heure de mouvements involontaires par jour.
L’étude comportait une phase de titration visant à évaluer la faisabilité et la sécurité, suivie d’une phase explorant l’efficacité d’une nouvelle formulation stabilisée en anaérobie de la dopamine, l’A-dopamine. « Nous avons cherché à être le plus prudent possible, précise le Pr David Devos, neurologue au CHU de Lille et cofondateur de InBrain Pharma. Nous avons augmenté les doses très progressivement, et une fois le patient équilibré, nous avons évalué en permanence les effets grâce à un accéléromètre fixé au poignet. » Tous les participants ont été appareillés, avant d’être répartis en deux groupes assumant alternativement les rôles de bras traité et de bras témoin (étude en cross-over).
En moyenne, les patients sous traitement oral plus perfusion ont gagné 4,4 heures de contrôle moteur optimum par jour, par rapport au traitement oral seul, et 6,6 heures de contrôle moteur compatible avec une autonomie fonctionnelle. D’un point de vue neurologique, le traitement intracérébral a induit une augmentation dose-dépendante des neurones dopaminergiques nigrostriataux. Le profil de sécurité est quant à lui satisfaisant avec quelques effets indésirables attendus tels que des nausées déjà observées avec le traitement oral seul. Les doses efficaces se situaient entre 150 et 250 mg par jour, avec un dosage plus faible la nuit, qui était réaugmenté une heure avant le réveil.
Les auteurs insistent aussi sur le fait que tous les patients de l’étude ont souhaité poursuivre le traitement, preuve selon eux que la qualité de vie a bien été améliorée. Autre cofondatrice de InBrain Pharma, la Pr Caroline Moreau, elle aussi neurologue au CHU de Lille, rappelle que « les traitements oraux impliquent jusqu’à un cachet toutes les deux heures. » Grâce au nouveau dispositif, les participants prenaient en moyenne 60 % de médicaments antiparkinsoniens oraux en moins.
Pas de dyskinésie
Questionné sur le risque de voir les patients sous dopamine injectable développer les mêmes troubles neuromoteurs que sous lévodopa, ou une résistance au traitement, le Pr Davos rassure : « quand la L-dopa a été introduite en 1961, il n’a pas fallu trois ans pour qu’on observe des dyskinésies chez les premiers patients traités, rappelle-t-il. Nos patients sont suivis depuis plus de trois ans et le bénéfice persiste sans dyskinésie. » Toutefois, il précise que la perfusion de dopamine ne pourra pas réduire tous les troubles associés à la maladie de Parkinson. « Les troubles cognitifs et cérébraux, qui surviennent plus tardivement, sont indépendants de la dopamine », détaille-t-il.
Le nouveau mode de délivrance mis au point par InBrain Pharma est rendu possible par l’A-dopamine. En temps normal, la dopamine est rapidement oxydée, et cette instabilité est l’une des deux explications derrière les échecs des précédentes tentatives de délivrance alternative. L’autre verrou est que la dopamine ne passe ni la barrière digestive ni la barrière hématoencéphalique, ce que le dispositif de InBrain Pharma contourne en délivrant la dopamine in situ, à proximité du striatum.
La procédure chirurgicale est la même que celle pratiquée depuis 30 ans pour installer un dispositif de stimulation cérébrale profonde. Les patients opérés le matin peuvent se déplacer dès l’après-midi. Le dispositif doit être rechargé en dopamine une fois par semaine par un professionnel de santé qui peut en réguler le débit.
Pour InBrain, la prochaine étape sera la mise sur pied d’une étude de phase 3 visant à évaluer la place de ce nouveau dispositif parmi les produits déjà existants. « Nous sommes en discussion avec les autorités de régulation, et nous pensons démarrer notre étude de phase 3 en 2026 », espère le Pr Davos. Une levée de fonds de 50 millions d’euros est également en cours.
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