Dans les semaines à venir, des patients français vont bénéficier d'une thérapie génique de la maladie de Parkinson dans le cadre d'un essai clinique via l'injection du vecteur de nouvelle génération OXB-102 mis au point par Oxford BioMedica (1).
Cette thérapie génique consistant en l'introduction de trois gènes codant pour la production de dopamine est la seule à poursuivre son développement dans la maladie neurodégénérative. Plus de 20 malades ont déjà été traités dans le cadre d'une expérimentation avec la version précédente du vecteur.
But de la manœuvre : restaurer une production continue et locale de dopamine au niveau du striatum. Si les résultats obtenus sont au rendez-vous dans cette étude de phase 1, une étape importante sera franchie vers un traitement capable de prolonger durablement la « lune de miel » avec le traitement à la lévodopa (L-dopa).
« La pierre angulaire du traitement de la maladie de Parkinson est la lévodopa », explique Philippe Hantraye, directeur scientifique de l'infrastructure NeurATRIS et du département MIRCen de l'institut de Biologie François Jacob (CEA de Fontenay-aux-Roses). « Pendant 3 à 5 ans, la L-dopa réduit bien les symptômes, puis on commence à voir des phénomènes d'échappement avec des complications et les patients deviennent véritablement résistants à partir de 8 à 10 ans », poursuit le chercheur. C'est pour éviter d'en arriver là que la thérapie génique peut être tentée.
La relève du « pacemaker à dopamine »
La maladie de Parkinson se caractérise par une atteinte des neurones dopaminergiques. Ces derniers localisés dans la substance noire se projettent dans le striatum : « c'est une sorte de pacemaker à 5 Hz qui induit une libération continue de dopamine », explique le Pr Stéphane Palfi, chef de service de neurochirurgie de l'hôpital Henri-Mondor (AP-HP) qui va opérer les patients français.
Cette sécrétion ne nécessite pas de rétro-contrôle, aussi il a été imaginé une solution : permettre aux cellules du striatum de produire elles-mêmes la dopamine dont elles ont besoin. La « boîte à outils » introduite par le vecteur OXB 102 consiste en un ensemble de trois enzymes : la tyrosine hydroxylase (TH), l'acide aminodécarboxylase (AADC) et la GTP-cyclohydrolase-1 (CH1), qui interviennent successivement dans la transformation de la lévodopa en dopamine.
Un timing bien précis
En plus de la sécrétion continue de dopamine par les neurones de la substance noire, un autre circuit est impacté plus tardivement dans la maladie de Parkinson : celui de la sécrétion phasique de la dopamine. « Quand on prend de la dopamine orale, un des problèmes est que l'on peut induire une stimulation phasique excessive de dopamine », poursuit le Pr Palfi. Cette stimulation inappropriée peut être à l'origine d'effets secondaires de la lévodopa tels que des troubles du contrôle des impulsions liés à un excès de dopamine dans les zones limbiques. L’objectif de la thérapie génique est d'éviter ce phénomène et d’induire une production continue locale de dopamine.
Les patients recrutés par le Pr Palfi sont au stade moyen d’une maladie de Parkinson idiopathique ou génétique, avec des complications motrices telles que dyskinésies et fluctuations motrices, mais gardant une très bonne sensibilité à la lévodopa.
D'un point de vue pratique, l'injection des vecteurs s'effectue via une canule lors d'une opération de chirurgie stéréotaxique. L'opération dure environ 8 heures par côté, car le débit d'injection doit être suffisamment lent afin de ne pas altérer les vecteurs. « On travaille sur des stratégies de réduction du temps d'opération, précise le Pr Palfi. Jusqu'à présent, la chirurgie a été bien tolérée. Dès le lendemain, le patient est debout à côté de son lit. »
Le vecteur OXB-102 a déjà été injecté chez six patients au Royaume-Uni. Philippe Hentraye résume les résultats : « deux patients ont reçu des injections avec de faibles doses et ont présenté une diminution de 30 % des symptômes mesurés avec l'échelle UPDRS [Unified Parkinson’s Disease Rating Scale, N.D.L.R.]. Quatre autres patients ont reçu une dose moyenne et l'amélioration est de l'ordre de 40 % », explique-t-il. Certains patients français devraient bénéficier de doses plus importantes, avec un bénéfice attendu plus important.
L'ancienne version bientôt en étude clinique pivot
Le Pr Palfi a opéré 15 patients avec la version précédente du vecteur − le vecteur lentiviral ProSavin − et dont les données de suivi à un an ont été publiées (2) (3). Le score UPDRS a été amélioré en moyenne de 12 points, les patients passant de 38 à 26, de façon durable à un an de suivi. Une étude randomisée va être lancée d'ici la fin de l'année.
Comparé à l'ancienne version, l'OXB-102 permet un agencement optimisé des mêmes gènes codant pour les trois enzymes responsables de la production de dopamine. « Avec ce nouvel ordre d'expression des gènes, la sécrétion de dopamine est cinq fois supérieure chez l'animal (2) », précise le Pr Palfi.
(1) La licence du vecteur OXB-102 a depuis été rachetée par la société Sio Gene Therapies, propriété d'un hedge fund new yorkais, qui va poursuivre le développement afin de le commercialisé sous le nom de AXO-Lenti-PD.
(2) S. Palfi et al, The Lancet, janvier 2014. doi: 10.1016/S0140-6736(13)61939-X
(3) S. Palfi et al, Human Gene Therapy Clinical Development, vol 29, p148-155, septembre 2018
(4) R. A. Badin et al, Molecular therapy-Method and Clinical Development, vol 14 p 206-216, juillet 2019
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