Dans une salle du centre bipol-AIR dédiée à la kinésithérapie, Mme B. est en pleine séance. Elle passe d’un mini-trampoline à un autre, puis saisit un arc et vise une cible située au fond de la pièce. Cette patiente, qui souffre de troubles neurologiques fonctionnels (TNF), travaille aussi bien son équilibre que sa concentration et sa précision. L’exercice suivant consiste à atteindre des plots de couleur, en ayant la taille attachée par un élastique à un espalier, puis à échanger une balle qu’elle tient dans sa main avec une balle posée sur l’un des plots. Une application sur une tablette donne l’ordre des plots à respecter, en fonction de leur couleur. Le kinésithérapeute Florian Christot corse ensuite l’exercice en demandant à la patiente d’associer une ville différente à chaque couleur. « C’est une stratégie de détournement attentionnel qui fonctionne bien avec les patients atteints de TNF », explique-t-il.
Cette pathologie psychiatrique, caractérisée par des symptômes physiques, est liée à des anomalies dans le fonctionnement du cerveau. « Le corps donne au cerveau des informations erronées sur son état », explique la Dr Axelle Gharib, psychiatre au centre bipol-AIR. Le centre, qui a ouvert en novembre 2020, reçoit 60 % de femmes pour 40 % d’hommes atteints de ces troubles. « La moyenne d’âge est de 39 ans et 70 % des patients ont des symptômes qui évoluent depuis moins de deux ans », détaille-t-elle. Les troubles les plus courants sont les déficits sensitivo-moteurs chez 40 % des patients, les crises non épileptiques chez 24 % d’entre eux et les mouvements anormaux pour 20 %. Les antécédents de traumatismes psychiques concernent 75 % des patients.
Ateliers en groupe ou individuels
Au centre bipol-AIR, les patients sont adressés par des neurologues, des internistes, parfois par des généralistes ou des psychiatres. Ils sont systématiquement reçus par un neurologue du centre au moment de l’admission. Ensuite, un suivi leur est proposé avec différents ateliers thérapeutiques, individuels ou en groupe. « Il y a des groupes spécifiquement dédiés aux personnes souffrant de TNF et des ateliers transversaux pour les patients, quel que soit leur motif d’admission », indique la Dr Gharib. Les groupes accueillent entre 4 et 10 patients, à raison de séances d’une heure et demie, une fois par semaine pendant six semaines.
Il y a notamment un groupe de psycho-éducation animé par les psychiatres, qui permet d’améliorer les connaissances du patient sur la pathologie. « Il y a aussi un groupe de gestion de la douleur animé par des kinésithérapeutes et des groupes pour les patients qui font des crises non épileptiques. Ils y apprennent des techniques d’ancrage, la lutte contre la dissociation, la régulation émotionnelle, l’identification des signes avant-coureurs d’une crise, etc. », détaille-t-elle. Une prise en charge individuelle en kinésithérapie est également proposée à tous les patients, sauf ceux qui font des crises non épileptiques.
Les groupes transversaux sont quant à eux destinés à armer les patients pour faire face aux événements stressants de la vie quotidienne. « Nous utilisons des protocoles de thérapie cognitive et comportementale avec des groupes animés par des psychologues sur la gestion du stress, l’estime de soi, le fonctionnement de personnalité, l’activation comportementale, le sommeil, l’affirmation de soi ou encore le perfectionnisme », énumère la Dr Gharib. Un groupe animé par des psychomotriciennes permet aux patients de travailler leurs expérimentations motrices. Le centre propose aussi des ateliers de sophrologie, d’art-thérapie, de cuisine, de théâtre ou de yoga.
Bienveillance des soignants
Pour les patients, la prise en charge au centre est souvent un vrai soulagement, après de nombreuses errances thérapeutiques. « Je suis arrivée ici parce que j’avais des problèmes moteurs. J’ai été hospitalisée, puis on m’a renvoyée chez moi sans trop savoir ce que j’avais, témoigne Marie-Anne, patiente au centre depuis avril 2021. Je tenais debout 10 minutes par jour. Depuis que j’ai pu intégrer le centre bipol-AIR, je revis : physiquement tout revient. » Au centre, la bienveillance des soignants et le fait de choisir ce sur quoi elle voulait travailler l'ont beaucoup aidée. « Nous avons tous un passé médical compliqué avec des soignants qui nous répétaient "C’est dans votre tête". Le travail du corps et celui sur la maladie nous permettent de reconstruire ce qui a besoin de l’être », apprécie-t-elle.
Avec d’autres patients du centre, Marie-Anne a créé un collectif, CAP-TNF, destiné à aider les autres patients. « Nos témoignages ont une valeur importante et donnent de l’espoir aux patients », souligne-t-elle. Le collectif a créé un annuaire multidisciplinaire de soignants et souhaite à terme créer des réseaux de soignants spécialisés dans les TNF.
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