DE NOTRE CORRESPONDANT
LORSQU’UNE personne apprend à lire dans une langue étrangère, l’acquisition de dizaines de milliers de mots nouveaux se fait au travers d’une maîtrise des interférences avec la langue maternelle. Des études de neuro-imagerie antérieures chez des sujets bilingues avaient mis en évidence des zones de chevauchement à l’étage cortical qui plaidaient en faveur de l’existence d’un marqueur neurobiologique commun lors de l’apprentissage des deux langues.
L’équipe de Wai Ting Siok a adapté la tâche de décision lexicale, développée pour tester les capacités de lecture chez les dyslexiques, pour pouvoir l’utiliser dans le contexte d’une analyse en IRMf. L’étude a enrôlé 26 enfants d’une école primaire de Pékin (14 garçons, 12 filles, d’un âge moyen de 10 ans et 3 mois) ayant commencé à apprendre l’anglais (désigné L2, par opposition à L1, le chinois) vers l’âge de 6 ans. Le test consiste à montrer à l’enfant une série de mots, tantôt des mots anglais, tantôt des pseudomots ; il doit reconnaître les mots anglais. Comme contrôle, les auteurs ont employé une autre tâche de décision consistant à identifier la direction d’une flèche.
IRM fonctionnelle.
La réalisation d’un IRMf durant le test de décision lexicale au début de l’étude (temps 1) a permis d’identifier deux régions cérébrales corrélées aux performances de lecture de L2 : le noyau caudé gauche et le lobule fusiforme (ou circonvolution occipito-temporale latérale) gauche, une formation qui est à cheval sur la 4e circonvolution temporale et la 4e circonvolution occipitale.
Les performances de lecture de L2 chez les écoliers chinois ont à nouveau été évaluées un an plus tard (temps 2). Les chercheurs ont constaté que les deux régions cérébrales étaient également significativement prédictives des progrès enregistrés. Une analyse de corrélation partielle a été faite, par la technique de contraste BOLD (Blood-Oxygen-Level-Dependent)*, en analysant l’activité dans ces deux régions au temps 2 par comparaison au temps 1. Le coefficient de corrélation partielle était de 0,68 (p < 0,005) pour le noyau caudé gauche, et de 0,49 (p < 0,005) pour le lobule fusiforme gauche. Ce qui veut dire que, en dépit de l’implication de multiples régions cérébrales dans la réalisation de la tâche de décision lexicale en L2, l’activité enregistrée au niveau de ces deux aires reflète, de manière fiable, le gain observé dans l’apprentissage de la lecture de L2.
Le circuit caudé-fusiforme gauche.
Ces résultats apportent donc, pour la première fois, une preuve directe de la participation du circuit caudé-fusiforme de l’hémisphère gauche à l’évolution, dans le temps, des capacités de lecture d’une langue étrangère chez des enfants. Comment expliquer ces constatations ? Les chercheurs pensent que le noyau caudé gauche pourrait jouer un rôle dans l’opération de suppression de la production de mots dans la langue non ciblée (soit la langue maternelle) pour favoriser l’acquisition de nouveaux mots en langue étrangère. Quant au lobule fusiforme gauche, il est intéressant de noter qu’il est situé juste en avant de deux aires (V4 et TEO) impliquées dans le filtrage des informations non appropriées par un mécanisme de compétition.
Les travaux des Chinois apportent donc de l’eau au moulin de la théorie de l’apprentissage d’une seconde langue par un mécanisme de compétition avec la langue d’origine. Par ailleurs, l’assertion selon laquelle le degré d’activité dans les deux régions cérébrales en question reflète le potentiel d’acquisition de la lecture d’une langue étrangère de manière spécifique est appuyée par la découverte d’une corrélation plus faible et non significative (r = 0,32, p = 0,11) entre l’activité du circuit caudé-fusiforme gauche et la lecture de la langue chinoise durant la tâche de décision lexicale, y compris au deuxième temps de l’exploration à un an d’intervalle.
LH Tan, WT Siok. Activity levels in the left hemisphere caudate-fusiform circuit predict how well a second language will be learned. Proc Natl Acad Sci USA, (2010) Publié en ligne
* L’IRMf est réalisée grâce à des séquences sensibles aux différences de susceptibilité magnétique du sang induites par les variations de concentration en désoxyhémoglobine lors d’une activation cérébrale.
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