L’intérêt de la triheptanoïne pour rétablir une production normale d’énergie sous forme d’adénosine triphosphate (ATP) dans maladie de Huntington vient d’être confirmé par l’équipe du Dr Fanny Mochel de l’unité INSERM U1127 (Institut du cerveau et de la moelle épinière) dans un article paru dans « Neurology ».
Lors d’une première étude publiée en 2007, la triheptanoïne administrée sous forme d’huile était bien tolérée par les patients. Dans leur nouvelle publication, les auteurs ont mesuré le rapport ratio entre le phosphate inorganique et la phosphocréatine (Pi/PCr) dans l’aire visuelle primaire de 10 patients à un stage précoce de la maladie recevant de la triheptanoïne sous forme d’huile à boire (une formulation en poudre pourrait voir le jour fin 2015) et de 13 volontaires sains. En l’absence de traitement, l’aire visuelle primaire des malades présentait un ratio Pi/PCr qui ne changeait pas lorsqu’elle était sollicitée, ce qui suggère que, bien que l’aire visuelle dépensât plus d’énergie, le cycle de Krebs censé fournir l’adénosine triphosphate (ATP) n’y était pas alimenté, contrairement aux volontaires témoins dont le ratio Pi/PCr augmentait ce qui reflétait une activation mitochondriale en réponse à la demande énergétique accrue.
En revanche, après un mois de traitement, le profil énergétique cérébral était corrigé, avec une augmentation du ratio Pi/PCr pendant la phase de stimulation visuelle.
L’aboutissement de dix ans de travaux
Ces travaux sur le triheptanoïne sont l’aboutissement d’un long parcours de recherche. Le Dr Fanny Mochel est une généticienne métabolicienne de formation. Elle avait observé avec le Pr Alexandra Durr (Centre de référence maladie de Huntington) que les patients asymptomatiques maigrissaient malgré une prise de nourriture normale. « Il s’agissait de patients que l’on sait atteints car ils ont demandé à être testés, et dont la perte de poids était un motif de plainte de consultation », explique-t-elle. Si certains voulaient voir dans ce phénomène un signe de dépression ou une conséquence de mouvements choréiques, les travaux menés à l’ICM ont montré qu’il s’agissait en fait d’un hypercatabolisme : « On observait une utilisation anormale de certaines protéines d’habitude employées pour l’anabolisme et pas pour le métabolisme energétique : des acides aminés étaient consommés pour produire de l’énergie », raconte Fanny Mochel.
Des mécanismes de compensations très sollicités
Les malades parviennent donc à contourner cette panne du cycle de Krebs, mais ce mécanisme de compensation finit malheureusement par s’épuiser d’autant plus que, comme toutes les maladies neurodégénératives, la chorée de Huntington implique une plus grande consommation d’énergie pour alimenter les tentatives de correction des effets délétères des protéines anormales. Les chercheurs de l’ICM réfléchissent alors à un moyen de relancer le cycle de Krebs. C’est là qu’intervient la triheptanoïne. Ce triglycéride n’est ni synthétisé par le corps humain ni fourni par l’alimentation. Sa dégradation produit de l’acétyl CoA et du propionyl CoA, deux éléments importants pour relancer le cycle de Krebs.
Un essai randomisé prévu pour avril
Fort de ces derniers résultats, le Dr Fanny Mochel et le Pr Alexandra Durr vont entreprendre en avril un essai randomisé contre placebo sur une centaine de patients français et néerlandais à partir d’avril prochain. Ces patients seront répartis entre un groupe sous triheptanoïne et un autre sous placebo pendant six mois, puis l’ensemble des patients seront traités. En plus du ratio Pi/PCr, les chercheurs vont également mesurer l’atrophie du striatum, un marqueur reconnu de la progression de la maladie. « On espère diminuer la pente de cette atrophie », poursuit Fanny Mochel, « on est bien d’accord pour dire que le dysfonctionnement énergétique du cerveau n’est pas le mécanisme principal de la maladie mais il s’agit d’un facteur aggravant important sur lequel on devrait pouvoir agir ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024