Tremblements essentiels

La stimulation cérébrale profonde dans les formes sévères

Publié le 06/06/2013
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Même si les tremblements essentiels sont considérés comme une maladie neurologique bénigne - notamment parce que le symptôme majeur de cette affection est un tremblement et non des troubles de la marche ou de l’équilibre – le retentissement fonctionnel peut être très important dans les formes sévères, soit 15 à 20 % des tremblements essentiels. « Ce type de tremblement survient pendant l’action et dans le maintien postural. Il concerne l’ensemble des gestes volontaires et ce d’autant plus que ces gestes sont dirigés vers un but précis », remarque le Dr Grabli. De quoi gêner la prise d’aliments, de boissons, l’écriture, etc. « Même s’il n’y a pas de pronostic vital engagé, le retentissement fonctionnel d’un tremblement essentiel évoluant depuis plusieurs années peut donc être majeur et ainsi justifier une prise en charge. Or les traitements médicamenteux, - un bêtabloquant éventuellement associé à certains antiépileptiques -, ne sont que modérément efficaces sur ce symptôme. Ils peuvent également être mal tolérés. Dans ces situations, la stimulation profonde offre une alternative intéressante. Il s’agit néanmoins d’une décision collégiale, prise avec le neurologue, le radiologue, le neurochirurgien et bien sûr, le patient lui-même qui doit être volontaire. À la Salpêtrière, nous implantons ainsi une dizaine de patients chaque année dans cette indication », poursuit le Dr Grabli.

Quelle place pour la neurostimulation ?

Le premier critère pour proposer une neurostimulation profonde est l’existence d’un tremblement essentiel sévère, c’est-à-dire, entraînant une gêne fonctionnelle importante dans la vie quotidienne : c’est notamment le cas des patients qui sont obligés de boire avec une paille parce qu’ils ne peuvent plus tenir leur verre à la main, de ceux qui ne peuvent plus couper leur viande, plus écrire, etc. Un autre critère objectif est l’évolution du tremblement depuis les mains jusqu’à la racine des membres, voire le tronc et le cou. De même, lorsque l’affection évolue, la fréquence du tremblement diminue - passant de 6 à 7 Hertz à 4 ou 5 Hertz – alors que son amplitude augmente. Les patients doivent être motivés pour se faire opérer car il s’agit avant tout d’un traitement de confort. Il faut enfin que le patient ne présente pas de contre-indication à la neurochirurgie c’est-à-dire « une comorbidité très lourde, un traitement anticoagulant (avec impossibilité d’arrêter ce traitement durant la chirurgie) ou encore, l’existence d’une contre-indication à la pratique d’une IRM, cette dernière étant indispensable pour le guidage et le choix de l’implantation des électrodes », poursuit le Dr Grabli. En revanche, la limite d’âge à l’implantation est relative et il n’est pas rare d’opérer des patients après 70 ans.

Implantation uni ou bilatérale ?

L’intervention consiste à implanter une électrode dans le noyau Ventral Intermédiaire Médian (VIM) du thalamus. « Implanter le thalamus gauche permet de traiter le tremblement du membre droit et vice-versa.

L’intervention se fait par stéréotaxie, grâce à un repérage IRM, sous anesthésie locale et sédation légère. Les patients sont ensuite réveillés car il est important d’avoir l’enregistrement de l’activité électrique au fur et à mesure de la descente des électrodes, pour affiner leur localisation, tester les effets de la stimulation en direct, et évaluer tant l’efficacité que la tolérance. Une fois les électrodes implantées, elles sont connectées – soit dans la foulée, soit au cours d’une seconde intervention 48 à 72 heures plus tard – par un système de câbles qui passent sous la peau, à un pacemaker (implanté dans la région pectorale), lequel va fabriquer des impulsions électriques. À partir du moment où ce système est en place, il faut encore régler le stimulateur de façon à obtenir le meilleur compromis entre effet thérapeutique et effets indésirables. En outre, la durée de vie du pacemaker est limitée, de l’ordre de 5 ans avec des paramètres moyens ». Les complications de cette neurochirurgie sont rares, la plus grave étant l’hémorragie (1 à 2 % des patients) et l’infection (5 à 6 % des patients). En général, cette dernière ne laisse pas de séquelle cérébrale, mais nécessite une antibiothérapie, voire le retrait total du matériel. « Les autres effets indésirables sont liés au passage du courant dans les électrodes (paresthésies, douleurs, troubles de l’équilibre, troubles de la parole) ; jusqu’à 10 % des patients sont concernés et dans ce cas, les réglages sont à revoir, quitte à être un peu moins efficace sur les tremblements. Comme ces effets secondaires sur la parole et sur l’équilibre sont plus fréquents en cas d’implantation bilatérale, une majorité d’équipes prennent l’option de traiter le côté dominant (soit une implantation dans le VIM gauche chez un droitier) ou le côté le plus sévèrement atteint et seulement si cela ne suffit pas, d’implanter l’autre côté dans un second temps », explique le Dr Grabli. Cette technique bénéficie d’un très bon recul. La phase de réglage postopératoire permet d’améliorer la plupart des patients à hauteur de 70 à 80 %, ce qui est beaucoup plus que ce que l’on peut obtenir avec un traitement médicamenteux. « Pour autant, cette aisance dans le geste a tendance à s’émousser – avec une augmentation de l’amplitude des tremblements - sans que l’on sache s’il s’agit d’une aggravation du tremblement essentiel ou d’un phénomène d’échappement au traitement. De nouveaux réglages sont possibles au fil des ans, mais ils ne suffisent pas toujours à empêcher la perte de l’effet thérapeutique. Dans l’espoir de limiter ce phénomène d’habituation, certaines équipes recommandent d’interrompre la stimulation pendant la nuit », conclut le Dr Grabli.

D’après un entretien avec le Dr David Grabli, neurologue, service du Pr Marie Vidailhet, département de neurologie, CRICM UPMC/INSERM UMR S975, CNRS UMR 7225, institut de la moelle et du cerveau, hôpital de la Salpêtrière.

 Dr NATHALIE SZAPIRO

Source : Bilan spécialistes