LE QUOTIDEN : La SLA est une maladie de l’adulte jeune ?
Dr PIERRE-FRANÇOIS PRADAT : Faux. Elle peut débuter à 20 ans comme à 90 ans, son pic de fréquence étant à 65 ans. Même si elle est peu connue, ce n’est pas une maladie exceptionnelle, son incidence n’étant que deux fois moindre que celle de la sclérose en plaques par exemple. Sa prévalence toutefois est beaucoup plus faible, en raison de l’espérance de vie limitée des patients.
Elle est caractérisée par un déficit moteur qui peut toucher n’importe quel membre, un ou plusieurs. Une atteinte musculaire de la parole et de la déglutition, reflet d’une atteinte bulbaire, inaugure la maladie environ une fois sur quatre. L’évolution est très variable d’un patient à l’autre, extension de l’atteinte spinale (et donc du déficit moteur), troubles de la déglutition et de la parole, puis troubles respiratoires qui conditionnent le pronostic vital. Il existe également des formes cantonnées aux membres. L’espérance de vie d’un patient souffrant de SLA est très variable, certaines formes évoluant sur plus de 10 ans, la médiane de survie étant toutefois de 3 à 4 ans.
La SLA résulte d’interactions gènes-environnement.
Vrai. Hors les formes familiales (10 % des SLA), aucun gène de susceptibilité ou facteur d’environnement n’a encore formellement été identifié. Elle est le probablement le fruit d’une combinaison de multiples gènes et de facteurs environnementaux, chacun de faible poids, ce qui explique leur individualisation difficile. À la clé, des agrégats de protéines, un stress oxydant, une inflammation à bas bruit et sans doute une atteinte d’autres systèmes (que les motoneurones) comme nous venons de le démontrer à l’aide de l’imagerie : il s’agit à l’évidence d’une maladie plus globale, avec des anomalies de la sensibilité aussi, qui fait intervenir le système de retour de l’information sensorielle et retentit sur les nerfs moteurs (voie finale de la motricité).
• Les sportifs, notamment de haut niveau, sont plus à risque de développer une SLA.
Faux encore. Le rôle de l’activité physique a en effet été évoqué à l’occasion de la publication d’une étude italienne cas-contrôle portant sur des joueurs de football, 40 d’entre eux ayant développé une SLA entre 1973 et 2008, plus que ne le voudrait le hasard… Une étude depuis remise en cause en raison de la non-pertinence de la population témoin. Cette surincidence n’est par ailleurs retrouvée pour aucun autre sport. Enfin, l’analyse globale de toutes les études publiées sur les liens entre sport et SLA n’est pas concluante… Peut-être une sollicitation très intense de leurs motoneurones de certains sportifs dévoilerait-elle une SLA avant qu’elle ne s’exprime spontanément, à un âge plus avancé ? Seule, une étude prospective de cohorte permettrait de répondre définitivement à la question. Le rôle des pesticides encore ou des métaux lourds a été évoqué. Dans des îles du Pacifique Ouest où l’on a observé des foyers de surincidence, une neurotoxine alimentaire serait en cause qui est présente dans des noix de cycade, absorbée par des chauves-souris qui la stockent dans leur tissu adipeux et la transmettent à qui s’en nourrit… Plus proches de nous, des cyanobactéries, qui produiraient le même type de toxine, pourraient être impliquées, ce qui reste à démontrer.
Les traitements alternatifs essayés par Jérôme Golmard paraissent efficaces
Le traitement à base de plantes (dont a priori le romarin, l’achillée millefeuille et les feuilles d’olivier) que prend JG n’a pas fait la preuve scientifique de son efficacité, même si son promoteur argue d’un accord à venir de la FDA, qui, je le rappelle, est automatique aux Etats-Unis pour ce type de produit de phytothérapie.
Il est en tout cas impossible de juger de l’efficacité de cette combinaison de plantes sur le tennisman et sa fatigue, celle-ci étant un symptôme fluctuant et éminemment sensible à l’effet placebo.
La théorie de foyers infectieux dentaires à l’origine de la SLA est à mon sens “délirante“. Elle donne l’occasion à certains médecins peu scrupuleux de proposer des interventions dentaires facturées à 300 000 dollars (les 4)… Autre fantaisie coûteuse, l’injection de cellules souches (ou présentées comme telles) dans le muscle, le sang ou le liquide céphalo-rachidien, qui ne soit pas proposée dans le cadre d’un essai clinique. Si les patients sont bien sûr libres de recourir à des traitements alternatifs, la gestion des handicaps émaillant le cours de la SLA exige des moyens qui ne doivent pas être inutilement dispersés.
Les traitements sont perfectibles
Certainement. Le seul médicament, le riluzole (un neuroprotecteur), qui a fait la preuve de son efficacité allonge modestement, de trois mois en moyenne, l’espérance de vie des patients. Après une phase I prometteuse, dont notre équipe vient de publier les résultats, des anticorps dirigés contre une protéine (Nogo-A) anormalement élevée dans le muscle des patients, qui empêche la repousse des axones, font maintenant l’objet d’une étude internationale d’efficacité.
Les soins de support sont un appoint non négligeable
Vrai. Une alimentation adaptée permet d’éviter la dénutrition, facteur d’aggravation de la maladie. Et surtout, il semble que, chez la souris au moins, une alimentation riche en graisses ralentirait l’évolution de la maladie. Des essais chez l’Homme débuteront bientôt en Europe et aux États-Unis. Au chapitre des progrès palliatifs, notre équipe (avec le Dr Avi Assouline, radiothérapeute) a mis au point un protocole de radiothérapie en 4 séances, ciblée sur les glandes salivaires, pour lutter contre l’hypersalivation et le risque conséquent de pneumopathies, ce qui améliore grandement la qualité de vie des patients.
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