PAR LE Dr CATHERINE THOMAS-ANTERION*
L’EXAMEN NEUROPSYCHOLOGIQUE requiert des outils qui s’inspirent des tests psychométriques unidimensionnels ou globaux (1). La question de base n’est pas leur administration souvent aisée quoique nécessitant des consignes très rigoureuses et donc un expert qualifié, mais leur choix et donc leur connaissance. Il convient également de savoir interpréter les résultats qualitativement, de ne jamais conclure sur les données d’un seul test, et de tenir compte des spécificités individuelles – âge, sensorialité, thymie, instruction, motivation, performances antérieures – et de l’entretien qui a précédé leur utilisation.
L’examen cognitif.
Tout neurologue a appris les données de l’examen cognitif comme l’examen de la marche ou des paires crâniennes. Il peut s’assurer d’une « intégrité cognitive », repérer une symptomatologie déficitaire parfois discrète. Nous pouvons citer des questions classiques de la clinique neurologique : distinguer confusion et démence, identifier un trouble du comportement comme neurologique ou psychiatrique, repérer et catégoriser une aphasie. L’examen est cognitif et comportemental (apathie et maladie de Parkinson, amnésie verbale et lacune thalamique gauche). Il est impossible et sans fondement de séparer ces deux aspects. Le neurologue est consulté en priorité dans deux cas. Son avis peut concerner le fonctionnement et/ou le diagnostic : quel est le fonctionnement d’un sujet présentant un accident vasculaire cérébral (AVC) pariétal droit ou ce sujet présente-il une maladie d’Alzheimer (MA) ? Par ailleurs, le spécialiste « recherche » des symptômes neuropsychologiques, du fait de leur fréquence, dans diverses situations (AVC, sclérose en plaques, maladie de Parkinson, traumatisme crânien, sclérose amyotrophique, etc.). Le spécialiste réunit les données cliniques (entretien et examen), neuropsychologiques (les siennes et celles d’éventuels bilans spécialisés et parfois complexes) et paracliniques pour établir une conclusion. Certains neurologues – mais trop peu – exercent la surspécialité de neuropsychologue. Ils répondent aux questions de leurs collègues et à celles de psychiatres, rééducateurs, neurochirurgiens, pédiatres ou gériatres.
Le cas particulier de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés.
L’émergence des Centre Mémoire Ressource et Recherche (CM2R) et le développement des consultations de mémoire a « compliqué » l’exercice. La neuropsychologie se confond souvent avec le diagnostic de la maladie d’Alzheimer et le « repérage » des stades précoces. Des idées fausses sont entretenues : mythe du test unique ou des batteries standardisées, confusion des bilans neuropsychologique et diagnostique, alors que le premier est un élément du second. De nombreuses questions éthiques se posent, dont le conflit évident entre la singularité malmenée et la réalité médico-économique de quelque 800 000 personnes concernées en France !
Les anciens et les modernes.
En pratique, il convient de poser « les bonnes questions », de disposer d’outils neuropsychologiques fiables, disposant de normes, et de suffisamment de connaissances pour les choisir et analyser leurs résultats (et ceux des bilans spécialisés), de savoir quand demander un bilan, avec quelle indication et à qui (neurologue surspécialisé, psychologue, orthophoniste, ergothérapeute). L’examen neuropsychologique de base est disponible dans des traités classiques en français (2, 3). Les outils de débrouillage sont nombreux : citons par exemple, la recherche d’une apraxie constructive par la copie de dessins de difficulté croissante : du carré à la célèbre bicyclette !
Le dynamisme de la dernière décennie dans le domaine de la MA a permis le développement d’outils de repérage (test des cinq mots), l’adaptation d’épreuves (paradigme de Grober et Buschke et RL/RI-16), la traduction (MMS), la normalisation (MMS, batterie du GREFEX), le développement de nouveaux outils. Le GRECO (Groupe de Réflexions sur les Evaluations Cognitives) participe activement à diffuser cette culture par un site Internet (www.site-greco.org) sur lequel un test par mois est présenté, la revue en ligne Neuronews, et des publications, tel le Grémoire en 2008 (4), qui présente 84 tests, échelles et batteries, et de Neuropsychologie en pratique(s) en 2011 (5), ouvrage collectif de vingt spécialistes (psychologues, orthophonistes, neurologues et gériatres) concernant les bonnes pratiques des tests. La SNLF (Société de Neuropsychologie de Langue Française) poursuit parallèlement son travail de société savante, organise des workshops thématiques, des forums de formation continue et anime depuis 2008 la Revue de Neuropsychologie : neurosciences cognitives et cliniques.
Une surspécialité qui a de l’avenir.
Il demeure la question de la transmission très variable d’une inter-région à l’autre, d’un service à l’autre, pendant la formation des futurs neurologues : questions à poser, épreuves papier-crayon, outils simples, bilan à prescrire. Les malades qui présentent des troubles cognitifs et/ou comportementaux sont nombreux. La neuropsychologie est donc une surspécialité qui a de l’avenir : comprendre le fonctionnement cognitif, donner de l’information, compenser des déficits, repérer des questions neuroscientifiques parmi des cas singuliers, est un très bon moyen « de faire » des neurosciences et « d’être » un clinicien. « Un microscope, un thermomètre, un bouillon de culture ne savent pas une médecine que le médecin ignorerait. Ils donnent un résultat. Ce résultat n’a en soi aucune valeur diagnostique. Pour porter un diagnostic, il faut observer le comportement du malade. » (7) La neuropsychologie peut faire sienne cette phrase vis-à-vis de ses outils.
*Unité de Neuropsychologie & CM2R, CHU de Saint-Etienne et laboratoire Etude Mécanismes Cognitifs, université Lyon 2.
(1) Séron X, Van der Linden M. Traité de Neuropsychologie Clinique. Tomes I et II. Marseille : Solal, 2000.
(2) Barbizet J, Duizabo P. Neuropsychologie. Paris : Masson ; 1977.
(3) Gil R. Neuropsychologie. Paris : Masson ; 2006.
(4) Hugonot-Diener L, Barbeau E, Michel BF, Thomas-Antérion C, Robert Ph. Grémoire : tests et échelles de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés. Marseille : Solal, 2008.
(5) Thomas-Antérion C, Barbeau E. Neuropsychologie en pratique(s). Marseille : Solal, 2011.
(6) Beauchamp TL, Childress JF. Les principes de l’éthique biomédicale. Paris, Les Belles Lettres, 2008.
(7) Canguilhem G. Le normal et le pathologique, 1966.
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