Pas besoin d’être spécialiste de l’injection de plasma riche en plaquettes (PRP) pour en avoir entendu parler. Des sportifs de renom tels que Tiger Woods ou Rafael Nadal ont contribué à médiatiser et à rendre populaire cette thérapie régénérative. Toutefois, la technique a mis du temps à se diffuser dans l’Hexagone. Utilisée depuis les années 1990 en orthodontie, ce n’est qu’à partir des années 2000 qu’elle intéresse sérieusement les spécialistes de l’appareil locomoteur et depuis moins de dix ans qu’un nombre croissant de médecins libéraux et hospitaliers l’ont adoptée.
« Ce retard à l’allumage s’explique par une grande hétérogénéité des publications étudiant les bénéfices du PRP, indique le Dr Alain Silvestre, radiologue interventionnel au Centre de l’arthrose à Mérignac, près de Bordeaux, et pionnier de la recherche sur le PRP en France. Ces résultats divergents ont longtemps laissé sceptique une majorité des acteurs du secteur. Cependant, l’efficacité constatée en pratique clinique et confortée dans les récentes méta-analyses a permis d’inverser la tendance ».
Le principe d’action ainsi que le processus de préparation sont élémentaires. L’idée est d’injecter, au sein du tissu malade ou à son contact, un concentré de plaquettes lequel, grâce à la libération de facteurs de croissance et de diverses cytokines, aura une action cicatrisante et anti-inflammatoire.
Un caractère autologue très attrayant
Pour obtenir ce précieux liquide, un échantillon de sang est prélevé au bras du patient et subit une centrifugation pendant quelques minutes afin de séparer les différents éléments sanguins. Ensuite, la fraction de plasma riche en plaquettes est sélectionnée grâce à un kit spécifique avant d’être injectée chez le même patient, la plupart du temps sous contrôle radiologique (échographie ou radioscopie). « C’est précisément ce caractère autologue, très peu pourvoyeur d’effets secondaires, qui rend le PRP si attrayant », souligne le Dr Samy Djabelkhir, médecin du sport à la clinique Saint Jean à Montpellier et utilisateur du PRP depuis près de cinq ans.
« Cette thérapie constitue un outil supplémentaire dans l’arsenal thérapeutique à disposition, précise-t-il, permettant de soigner un bon nombre de pathologies fréquemment rencontrées en pratique, comme l’arthrose des grosses articulations ou encore les tendinopathies chroniques résistantes aux thérapies classiques ». À l’instar du Dr Djabelkhir, le Dr Didier Prost, chirurgien orthopédiste du membre inférieur à l’hôpital privé Clairval à Marseille, constate lui aussi les effets positifs du PRP au quotidien, notamment sur la gonarthrose. « J’utilise dorénavant cette biothérapie à la place de l’acide hyaluronique, son efficacité est supérieure », déclare-t-il. Le praticien évalue les bénéfices de ce traitement régénératif au sein d’une étude lancée en septembre 2019. « Nous observons l’évolution d’un score algo-fonctionnel, le score de KOOS, avant et après injection de PRP – à trois et six mois – chez des patients de tout âge et à tout stade d’arthrose du genou confondu, précise-t-il. À ce jour, sur les 104 patients évalués, près de 80 % répondent favorablement ».
Le mode de préparation, un facteur d’efficacité
Toutefois, si le PRP permet de soulager certains malades, de retarder, voire d’éviter un recours à la chirurgie, ce n’est pas une panacée. Outre la nécessité de poser la bonne indication, l’efficacité dépend en grande partie de sa composition, elle-même dépendante du kit de préparation. « Dans la gonarthrose, nous savons qu’un PRP optimal doit contenir plus de 90 % de plaquettes, le moins de globules rouges possible et un faible taux de globules blancs, avec un volume injecté permettant un remplissage adéquat de l’articulation, explique le pharmacien-biologiste Jérémy Magalon de l’hôpital de la Conception à Marseille. A contrario, en pathologie tendineuse, le débat persiste toujours sur la concentration de globules blancs appropriée ». Plus de cinquante kits différents sont comptabilisés dans le monde, et une quinzaine en France, « dont une majorité ne produit pas un PRP avec de tels critères de pureté », prévient le spécialiste de thérapie cellulaire et co-auteur de l’étude avec le Dr Prost.
Cette grande hétérogénéité de composition expliquerait en partie la divergence des résultats des études, dans lesquelles les caractéristiques biologiques du PRP sont rarement rapportées. « En pratique clinique, certains praticiens, peu au fait des publications récentes, davantage motivés par l’aspect lucratif que par l’efficacité, ont tendance à faire trop confiance à certains laboratoires vendant des kits de moindre qualité », note le biologiste. L’injection n’est pas remboursée par la sécurité sociale et son prix fixé par le praticien peut varier du simple au quintuple. Entre 200 et 400 euros en moyenne en région et jusqu’à 1 000 euros à Paris. Sachant qu’un kit vaut entre 50 et 150 euros pour un acte de moins de 30 minutes, le PRP est une manne financière pour les médecins réalisant régulièrement ce type d’injection.
Des pratiques à encadrer
Forts de ce constat, de nombreux groupes de travail et sociétés savantes, au premier rang desquelles la Société des chirurgiens orthopédistes américains (AAOS), ont récemment émis des recommandations qui soulignent l’importance de connaître la qualité du PRP injecté. De ce fait et dans l’espoir de voir un jour le PRP remboursé par la sécurité sociale, Jérémy Magalon plaide pour un encadrement plus strict des pratiques. « Cette thérapie devrait être réalisée dans des centres dédiés, ouverts à tous les praticiens, avec un personnel expert (infirmier, pharmacien) et l’ensemble du matériel nécessaire : des kits adaptés à chaque indication, un compteur cellulaire afin de connaître précisément ce que l’on injecte au patient, un échographe pour guider le geste avec précision et la délivrance d’un compte rendu biologique d’injection à l’issue de l’intervention », liste-t-il.
Le praticien a d’ailleurs participé à la création, en janvier dernier à Marseille, de la première plateforme française dédiée aux injections de PRP (Remedex) qui permet aux médecins de réaliser de tels actes dans un environnement conforme à ces recommandations. Le coût pour bénéficier de cette logistique est d’un peu moins 200 euros par injection, auquel vient s’ajouter l’honoraire libre du praticien. Tout comme le Dr Djabelkhir, la Dr Lisa Bialé, rhumatologue à l’hôpital Bégin à Saint-Mandé près de Paris, convient de la nécessité d’un encadrement, mais se montre moins exigeante concernant les conditions d’usage afin de rester à un prix abordable. « Il faut trouver le bon point d’équilibre entre ce que l’on doit théoriquement faire et ce qui est gérable en pratique, explique-t-elle. Le compteur cellulaire me semble indispensable pour réaliser des études afin de connaître la composition idéale de PRP à administrer. Mais pas forcément en routine compte tenu de la bonne reproductibilité du PRP avec les kits les plus performants du marché ».
In fine, même si des divergences persistent, les acteurs du secteur s’accordent sur la nécessité d’homogénéiser les pratiques et de poursuivre les études pour affiner les indications. Le Dr Silvestre va même plus loin : « il est impératif que nous créions une Société française de médecine régénérative. » Une ambition d’autant plus pertinente que de nouvelles thérapies en médecine régénérative, comme les injections de cellules souches, déjà utilisées dans des pays voisins, vont un jour ou l’autre faire leur apparition dans l’hexagone.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024