Rueil Malmaison, lundi 24 août 1987. Il est 5 heures du matin et il pleut.
Peu importe pour le Dr Yau. Ça y est, avec le dossard 3587, il s'apprête à affronter son premier « Paris-Brest Paris ». Pour les initiés, P.B.P. sont trois lettres magiques. Celles d’une randonnée mythique créée en 1891 pour démontrer les immenses possibilités de la bicyclette. Une épopée pour cyclistes amateurs qui se tient tous les quatre ans. À vrai dire, une course légendaire mais comme qui dirait… un peu folle avec ses 1 220 km d’une traite en moins de 90 heures. Pour y participer, il faut réussir les fameux brevets des randonneurs mondiaux (BRM) qualificatifs. 200, 300, 400 et 600 km de difficultés croissantes dans des temps limités ! La dernière fois, le médecin avait échoué « au 600 ». Alors, crachin ou pas, c’est dire l’importance de ce matin !
Et c’est le top du départ. Vu l’affluence et l’étroitesse de la route par le bois de Saint Cucufa, la montée, il faut la faire à pied. Dans la descente, un camion stationne en sens inverse. C’est la chute pour nombre de cyclistes. Heureusement le duo qu'il forme avec son ami en réchappe ! C’est parti, direction la Bretagne. Jours et nuits se succèdent ensuite à pédaler et dormir — si peu ! — . Les cyclos se soutiennent l’un l’autre par la parole. Car « tant que le copain avance… , on se doit d’en faire autant jusqu’à l’extrême limite » explique le médecin.
Une nuit, c’est la cata, les deux amis cyclos se perdent. « Chacun croit que l’autre est devant… Ou derrière. Nous ne nous retrouvons plus.» Le duo finira par se retrouver au tout dernier contrôle. Mais c’est l’arrivée pour le dossard 3 587 ! 1 200 km en très exactement 84 heures et 52 minutes ! « J’étais tellement content que cette infernale succession de jours et de nuits presque sans repos s’achève ! Et contradictoirement, très triste de quitter cette atmosphère. Cette grande complicité avec les autres participants, dont plus de la moitié d’étrangers… Ces contacts brefs et chaleureux avec les habitants… ». Le médecin cycliste de se convaincre : « je l’ai fait une fois et c’est bien fini ». Évidemment, il va replonger à sept reprises dans l’aventure du PBP ! Pas étonnant pour cet amoureux de la petite reine que rien, pas même deux fractures du col du fémur, ne parviendra à faire renoncer au vélo.
Le virus du cyclo
Une passion qui va crescendo depuis son installation comme ophtalmo à Valenciennes et sa rencontre avec Bernard Lefebvre -« un compagnon de route formidable" - qui lui met le pied à l'étrier. Mais son appétence ne date pas d’hier ! Car enfant, échappées belles à bicyclette et suivi du Tour de France se partageaient déjà avec son père, un inspecteur d'assurance en poste à Casablanca. Né à Alger, lors d'une précédente mutation paternelle, l’enfant unique passe son adolescence au Maroc et gagne le nord de la France pour faire ses études de médecine à Lille.
Licencié au club d’Orchies depuis 1980 et retraité en 2008, le sportif au physique affûté, cumul près de 10 000 km par an. Ses odyssées cyclistes, en France et à l’étranger, se suivent mais ne se ressemblent pas ! Et son palmarès est impressionnant. Dans son bureau, une carte de France affiche une explosion de gommettes bleues, témoins de chaque région découverte à bicyclette par l'entremise de brevets des provinces françaises (BPF) proposés par la FFVélo.
En poste depuis 2012 au Comité directeur de la fédération française de vélo, après avoir passé une capacité de médecine du sport, le Dr Yves Yau s'investit dans la commission sport santé. Il participe à l’accompagnement du handicap. Et se forme à la pratique, bien codifiée, du tandem avec les non-voyants. En 2015, il encadre, comme médecin bien sûr, et moniteur fédéral, un parcours d’Albi à Dijon. Le groupe compte des non-voyants, cyclo « rameurs » paraplégiques, amputés et déficients intellectuels. Un sacré trajet avec la traversée du Massif Central. Mais une révélation ! Car en quelques jours, une fusion s'opère dans le peloton. Avec des moments forts comme celui d’un participant « emmuré dans son silence, et qui lors d’une soirée, entamera un répertoire de chansons.Il nous révélera qu'il chante régulièrement, mais seulement dans sa tête… ».
En plus des randonnées régulières dans l’Hexagone, l’aficionado de la bicyclette additionne les périples « vélo- sacoches » tant en Europe (jusqu'en Roumanie) que par le monde (du Laos au Pérou, …). C'est dire si des souvenirs, le cycliste baroudeur en a amassés ! Mais c’est le paysage désertique du Salar d’Uyuni (Bolivie), plus grande étendue au monde de sel blanc et son île de cactus qui remportent la palme! Amateur éclairé de paléontologie et de civilisations précolombiennes, le Dr Yau aime « voir comment on vit ailleurs; et à vélo », tient-il à préciser, « il est plus facile d’aller aux contacts des autres ».
Une course emblématique
Outre la mythique route 66 Chicago-Los Angeles, l'infatigable cyclo a participé avec une casquette double de médecin et de cycliste, à l'aventure du Pékin-Paris-Londres. Une randonnée de 5 mois organisée par la FFVélo à l'occasion des jeux paralympiques en 2012. Pas moins de 93 participants,139 étapes, 14 000 km et 13 pays d'Asie et d’Europe. Le Dr Yau, un secouriste et une infirmière forment l'équipe médicale de l'expédition. Pédaler le jour, ouvrir les consultations au moment du dîner et prodiguer soins et traitements, parfois jusqu'à tard dans la nuit, constituait son rythme quotidien ! Encore un pari de gagné ! « C'est une sacrée force de caractère, une personne calme et affable » souligne Véronique Meunier, l'infirmière. Le cuisinier de l'expédition Lionel Barbotin a fait d'autres périples cyclistes avec le médecin chez qui il apprécie « sa grande culture et son aisance de l'organisation ». Et tous relèvent, le calme à toute épreuve de ce dernier. Car le médecin cycliste aime à dire : « le vélo ça soigne tout ! ».
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