L’équipe chinoise se veut très optimiste. « Si l’épidémie de Covid-19 réapparaît en hiver, notre anticorps neutralisant pourrait être disponible à temps », déclare dans un communiqué le Pr Sunney Xie, directeur du Centre d’innovation génomique avancée à l’université de Pékin et auteur principal d'une publication dans la revue « Cell ».
Il convient de préciser que le Pr Xie est un chimiste sino-américain renommé. Après des études de chimie et d’ingénierie moléculaire à l’université de Pékin, il est parti aux États-Unis à 23 ans en 1985 pour faire un doctorat de chimie à l’université de San Diego. Il s’est vite distingué ensuite pour ses recherches et a mené une carrière exemplaire aux États-Unis, incluant un professorat à l’université de Harvard de 1998 à 2018. Après avoir poursuivi également des recherches à temps partiel à l’université de Pékin depuis 2010, il s’y est établi à temps complet en 2018. Il reste un ardent défenseur de la collaboration sino-américaine et internationale.
Face au Covid-19, il existe un besoin urgent d’identifier des thérapies antivirales efficaces. Les médicaments repositionnés en antiviraux sont en cours d’évaluation, mais ils peuvent avoir une efficacité limitée par leur manque de spécificité. Si les transfusions de sérum de patients guéris ont montré une bonne efficacité, la thérapie est limitée par l’approvisionnement difficile.
Le Pr Xie s’est ainsi fixé pour objectif d’identifier des anticorps neutralisant le virus, afin de les fabriquer à grande échelle en laboratoire et les transformer en médicaments injectables par voie sous-cutanée pour prévenir ou traiter le Covid-19.
Une technique rapide et innovante
Utilisant leur expertise en génomique unicellulaire (plutôt qu’en immunologie ou virologie), les chercheurs ont développé une méthode rapide pour identifier de puissants anticorps neutralisants présents dans le sérum de patients guéris. Cette méthode pourrait être utilisée à l'occasion d’autres pandémies infectieuses dans le futur.
En pratique, ils ont analysé, par séquençage unicellulaire à haut débit (ARN et VDJ), les lymphocytes B de 60 patients guéris. Ils sont ainsi parvenus à identifier 14 anticorps qui neutralisent puissamment le SARS-CoV-2, parmi plus de 8 500 clonotypes IgG1 fixant des antigènes. L’anticorps en tête, appelé BD-368-2, montre une concentration inhibitrice médiane (CI50) de 15 ng/ml vis-à-vis du virus SARS-CoV-2 (test conduit en laboratoire de biosécurité P3).
Cet anticorps (BD-368-2) a été évalué dans un modèle animal - une souris transgénique exprimant le récepteur ACE2 humain, le récepteur d’entrée du SARS-CoV-2 dans les cellules. « Lorsque notre anticorps neutralisant a été injecté aux souris infectées, la charge virale pulmonaire a été réduite de 2 500 fois. Et lorsqu'il a été injecté à des souris non infectées, ces souris étaient protégées contre l'infection virale », se réjouit le Pr Xie.
Offrir une immunité temporaire chez les soignants
Ces anticorps identifiés pourraient donc offrir des approches thérapeutiques et prophylactiques prometteuses. Un tel anticorps pourrait offrir aux professionnels de la santé une immunité temporaire (21 jours), que le Pr Xie espère pouvoir étendre à quelques mois. Ceci dans l’attente d’un vaccin, qui ne sera pas disponible avant 12 à 18mois si tout se passe bien. « Nous pourrions arrêter la pandémie avec un médicament efficace, même sans vaccin », suggère le Pr Xie.
Il reste toutefois à confirmer ces résultats chez l'Homme. Des essais cliniques testant l’anticorps monoclonal BD-368-2 sont en préparation. Selon le Pr Xie, ils seront conduits en Australie et dans d’autres pays en raison de la baisse des cas de Covid-19 en Chine.
« En tant que scientifiques, nous pensons tous que la science, et non la politique, sauvera l'humanité de la catastrophe du Covid-19 et d'autres catastrophes à venir », a déclaré le Pr Xie lors de la conférence Vision China (« Fighting COVID-19 : The Beacon of Science ») tenue le 17 mai et diffusée par China Daily. « Les maladies n'ont pas de frontières, la recherche non plus et il devrait en être de même pour l'humanité ».
Y. Cao et al., Cell, 10.1016/j.cell.2020.05.025, 2020
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