Une personne sur deux rentre des pays tropicaux avec des compagnons de voyage imprévus : des entérobactéries multirésistantes (EMR). Si les porteurs sont généralement sains, et que la grande majorité d’entre eux éliminent ces EMR spontanément, des précautions sont néanmoins à prendre au cours des 3 premiers mois suivant leur retour, notamment en cas d’intervention chirurgicale – c’est l’appel à la prudence lancé par une équipe de chercheurs du laboratoire de bactériologie du CHU Bichat - Claude-Bernard, à Paris.
L’équipe a récemment publié une étude dans la revue « Clinical Infectious Diseases », dans laquelle 824 personnes bien portantes ont été suivies, avant et après un séjour en zone tropicale : Afrique subsaharienne, Asie ou Amérique du Sud. Ces participants ont dû fournir un prélèvement des selles dans la semaine précédant leur départ, et à leur retour.
Des résultats inattendus
Les chercheurs ont été surpris par l’ampleur de leurs résultats ; en moyenne, 50 % des voyageurs étaient porteurs d’environ 2 EMR, certains en portaient même jusqu’à 8, remarque le premier auteur de l’étude, le Dr Etienne Ruppé. La fréquence de contamination variait selon la zone géographique visitée. Au retour d’Asie, plus de 72 % des voyageurs étaient contaminés par une EMR, au retour d’Afrique subsaharienne 47 %, et au retour d’Amérique du Sud, 31 %.
Exploration préopératoire
Si le suivi prolongé des voyageurs a montré que 95 % d’entre eux éliminaient spontanément ces EMR dans les 3 mois suivant leur retour, cela ne veut pas dire qu’ils sont hors de danger. « Parmi les voyageurs, il y en a qui sont plus à risque de faire des infections que d’autres, explique le Dr Ruppé. Ces bactéries ne vont pas provoquer plus d’infections, mais elles seront plus dangereuses si le patient fait une infection. » Le spécialiste met tout particulièrement en garde en cas d’une hospitalisation programmée. « Si une chirurgie est programmée dans les 3 mois suivant leur retour de zone tropicale, clairement, le médecin devrait réaliser une exploration – mais ce n’est pas officiellement recommandé, déplore-t-il. Ce sont nos propres conclusions, ce n’est pas encore traduit en terme législatif ou en terme de recommandations officielles. » Alors que la prise en charge des sujets rapatriés de l’étranger ou hospitalisés pendant l’année à l’étranger fait office de recommandations précises, « il y a un vide juridique total sur les voyageurs sains », souligne-t-il.
Pendant le voyage : éviter antibiotiques et nifuroxazide
En prévision du voyage aux tropiques, en plus des recommandations habituelles concernant l’eau – ne boire que de l’eau en bouteille – et la cuisson des aliments, le Dr Ruppé appelle les médecins à fortement déconseiller l’utilisation d’antibiotique au cours du voyage. « Certaines personnes vont voyager avec des antibiotiques et les utiliser pour tenter de traiter des épisodes de diarrhée. » Pour ce dernier, il s’agit d’une « double mauvaise idée » : « d’une part, les antibiotiques sont déconseillés pour l’immense majorité des épisodes de diarrhée, ça n’améliore pas les symptômes. D’autre part, le microbiote intestinal va être fragilisé par ces antibiotiques, qui favorisent justement l’implantation de bactéries exogènes résistantes ». L’expert met également en garde contre l’utilisation du nifuroxazide (Ercéfuryl) – « donner cet antiseptique est une catastrophe, ça ne sert à rien ». En conclusion, il préconise de recommander aux patients une consultation dans un centre de vaccination international. « Le généraliste n’est pas forcément au courant des dernières tendances, notamment concernant la prophylaxie anti-paludisme », remarque-t-il.
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