Systématique ou opportuniste, le dépistage de la tuberculose est clarifié par populations cibles

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Publié le 25/03/2025

La Haute Autorité de santé propose deux programmes de dépistage précoce de la tuberculose, systématique notamment pour les migrants et les détenus, et opportuniste, pour les précaires, avec des algorithmes pour les professionnels de santé.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Comment ne pas passer à côté d’une tuberculose pulmonaire, maladie extrêmement liée aux inégalités sociales ? La Haute Autorité de santé (HAS) propose deux types de programme de dépistage précoce par population cible et des algorithmes standardisés, dans une recommandation publiée ce 24 mars 2025, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la tuberculose.

L’incidence de la tuberculose en France est faible, avec un taux inférieur à 10 cas pour 100 000 habitants par an, mais certains territoires sont particulièrement touchés, comme la Guyane (24,0/100 000 habitants selon les chiffres 2023 de Santé publique France), Mayotte (12,8/100 000) et l’Île-de-France (14,2 /100 000 voire 18,5 en Seine-Saint-Denis). Certaines populations sont concernées : les personnes précaires sans domicile fixe, vivant dans des lieux de promiscuité (établissement pénitentiaire, foyer collectif, squat), issues d’un pays à forte incidence de tuberculose (migrants) ou ayant des facteurs de risque médicaux à l’origine d’une altération des défenses immunitaires.

Une personne ayant une tuberculose pulmonaire peut contaminer (par voie aérienne, toux, éternuements...) en moyenne 10 à 15 personnes par an, d’où l’importance d’un dépistage précoce, et la gageure que cela représente chez les populations éloignées du système de santé.

Or aujourd’hui, les pratiques sont disparates, avec d’une part, un dépistage opportuniste, effectué lors d’une consultation médicale à l’hôpital, en ville, en centre pénitentiaire ou proposé aux demandeurs d’asile et, d’autre part, un dépistage systématique pour les détenus et les migrants réguliers dans le cadre de la visite médicale de prévention obligatoire de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). La HAS pointe aussi des difficultés à toucher certains publics mobiles géographiquement, une stigmatisation persistante, un manque de formation des professionnels et des délais trop longs de remise des résultats, avec le risque de perdre de vue la personne dépistée.

Sensibiliser les professionnels de santé

À la demande du ministère de la Santé, la HAS a donc réévalué les stratégies de dépistage de la tuberculose dans les populations à risque, avec l’espoir de détecter la présence d’une maladie chez des personnes a priori en bonne santé, asymptomatiques, et chez celles qui en sont au stade subclinique de la tuberculose pulmonaire (stade pas ou peu symptomatique mais déjà contagieux).

La HAS préconise un dépistage systématique pour :

- les migrants adultes ou adolescents : entrés en France depuis 2 ans ou moins et issus d’un pays ayant une incidence ≥ 100/100 000, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, en centre de rétention administrative, ou étudiants ;

- les adultes et adolescents ayant fait un séjour à l’étranger : d’une durée ≥ 6 mois ; dans un pays à forte endémie (≥ 100/100 000) ; avec des conditions de vie dans la promiscuité et/ou en contact avec des personnes ayant la tuberculose pulmonaire ; et dans les deux ans qui suivent leur retour ;

- les personnes détenues : entrant en maison d’arrêt ; en centre de détention et maison centrale ; ou sorties de prison depuis moins de 2 ans ;

- les enfants (2-11 ans) et nourrissons (< 2 ans) originaire d’un pays ayant une incidence ≥ 100/100 000 et arrivé en France depuis moins de 2 ans ; ou ayant eu un contact prolongé avec une personne porteuse de la tuberculose pulmonaire ou avec une personne à risque ; ou vivant dans des conditions précaires et de promiscuité. « L’objectif est d’orienter rapidement ces derniers vers une prise en charge thérapeutique car la tuberculose évolue rapidement vers des formes graves à cet âge », lit-on.

Le dépistage opportuniste (lors de tout recours au système de santé) est lui réservé aux adultes et adolescents sans-abri ou sans domicile fixe ; ou ayant une mobilité internationale et vivant en communauté isolée ; ou vulnérables, précaires, en marge du système de soins ; ceci, dès lors qu’ils vivent dans la promiscuité.

Pour les modalités pratiques du dépistage, la HAS met à disposition des algorithmes selon l’âge (nourrissons et enfants jusqu’à 11 ans, adolescents de 11 à 17 ans et adultes). Pour les adolescents et jeunes adultes, que le dépistage soit opportuniste ou systématique, une fois le prétest effectué (critères d’identification), le premier examen est une radio pulmonaire, sachant qu’en cas de dépistage systématique, un algorithme alternatif propose un test de biologie moléculaire rapide (dans l’expectoration) en première intention si nécessité (absence de radiographie disponible par exemple en milieu pénitentiaire). Pour les nourrissons et les enfants, après le prétest, l’algorithme place la réalisation d’un test IGRA (test de libération d’interféron gamma sur prélèvement sanguin) ou d’une IDR puis une radiographie pulmonaire.

La HAS préconise de sensibiliser et de former les professionnels intervenant auprès des populations cibles sur le dépistage de la tuberculose, son traitement et ses risques de transmission. Pour certaines populations (étudiants étrangers, personnes vivant dans un squat, détenus entrant en maison d’arrêt), « il est essentiel de s’inscrire dans une approche globale de dépistage en santé avec un dépistage conjoint du VIH, de l’hépatite C, B et de la tuberculose », lit-on. Et de rappeler l’importance de la vaccination chez les personnes sans antécédent et à risque d’exposition, conformément au calendrier vaccinal 2024.

Une légère hausse de l’incidence en France

En 2023, la France a observé une augmentation de 16,7 % de l'incidence de la tuberculose par rapport à l’année précédente, avec un taux de déclaration de 7,1 cas pour 100 000 habitants, soit un total de 4 866 cas déclarés. C’est la première hausse depuis la pandémie qui avait entraîné une baisse pendant trois ans (de 2020 à 2022), selon Santé publique France. La proportion des formes graves en 2023 (5,9 %) est comparable à 2022 (5,7 %) et 2019 (5,4 %), tout comme le nombre de décès liés à la tuberculose (30 en 2023, versus 22 en 2022, + 0,6 %).

Par ailleurs, 15 ans après la suspension de l'obligation vaccinale BCG et dans un contexte de baisse de la couverture vaccinale, on constate une absence d’augmentation de l’incidence de la tuberculose chez les enfants. En 2023, on dénombre 13 formes graves de tuberculose chez des enfants de moins de 15 ans, dont 3 en Île-de-France, chiffre stable depuis cinq ans. Pour rappel, la vaccination contre la tuberculose est recommandée à partir de l'âge de 1 mois, idéalement au cours du 2e mois, et jusqu’à l’âge de 15 ans chez tout enfant présentant un risque élevé de tuberculose.



Source : lequotidiendumedecin.fr