Malgré leur surpeuplement (70 651 personnes détenues pour 61 080 places, au 6 janvier 2020), les prisons franciliennes n’avaient pas connu, au début de 2021, des taux de contamination par le Sars-CoV-2 supérieurs à la population générale. C’est ce qui ressort d’une lettre de recherche publiée dans « Journal of Infection ». Des chercheurs français y présentent les données d’une étude de séroprévalence, transversale et multicentrique, la première de ce type en Europe à leur connaissance.
Mené de janvier à juillet 2021 dans 12 établissements pénitentiaires franciliens, ce travail a inclus plus de 1 000 détenus (816 hommes et 198 femmes ; âge moyen de 36,3 et 35,7 ans, respectivement). Parmi eux, seuls 6,5 % ont déclaré avoir été vaccinés contre le Covid-19. Dans l'ensemble, 187 participants (18,4 %) étaient séropositifs pour le Sars-CoV-2. Après ajustement, « ce taux était de 18,2 % : 18,6 % chez les hommes et 15,2 % chez les femmes », est-il précisé.
Le nombre de détenus par cellule, un facteur de risque indépendant
Ce taux global a évolué pendant la période de l’étude : il est passé de 13,1 % pour les 200 premiers participants (du 14 janvier au 4 février 2021) à 21,6 % pour les derniers participants (du 21 avril au 8 juillet 2021). « Nous avons observé qu'un nombre plus élevé de détenus par cellule était un facteur indépendant associé de manière significative à la séropositivité au Sars-CoV-2, soutenant ainsi que la surpopulation est un facteur de risque d'infection au Covid-19 », relèvent les auteurs.
En comparaison, le taux de séroprévalence dans la population générale de région parisienne était de 20,6 % pendant la semaine du 8 au 14 février 2021, tandis que l’étude auprès de la population carcérale francilienne met en évidence un taux de 18,4 % pour la période du 5 au 19 février.
Ces chiffres diffèrent de ce qui a pu être observé ailleurs, et notamment aux États-Unis. « Les études américaines montrent que le taux d'attaque du Covid en prison est 5 à 10 fois supérieur à la population générale », souligne le Dr Guillaume Mellon, médecin à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) et premier auteur.
Des études médicales difficiles à mener en prison
Des différences structurelles dans l’organisation des prisons, ainsi que la réponse des autorités, expliqueraient ces différences. « Dès le début de la pandémie, les autorités sanitaires françaises ont ordonné la libération massive des détenus et la suspension des visites et des activités au sein des prisons. Une communication s'est rapidement mise en place concernant les mesures barrières et des masques ainsi que du gel hydroalcoolique ont été mis à disposition des détenus et du personnel », rappellent les auteurs, soulignant également les repas collectifs des prisons américaines.
« On va essayer de développer un échantillonnage plus national », espère le Dr Mellon, qui évoque d’éventuelles recherches sur le VIH ou encore la variole du singe. « Il y a très peu de données de la littérature scientifique sur les détenus, poursuit-il. C'est très difficile de mettre en place une étude clinique dans le milieu très fermé qu'est la prison. Il faut convaincre l'administration pénitentiaire (…) les collègues, en pleine pandémie. »
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?