« DANS UN RÉFLEXE naturel, face à des bactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE), essentiellement E. coli et Klebsiella pneumoniae, le prescripteur a tendance à se tourner vers un carbapénème. Or, l’utilisation trop large de cette famille d’antibiotique expose au risque d’émergence de souches productrices de carbapénèmases, et, in fine, à une quasi-impossibilité de traiter », souligne le Dr Rémy Gauzit.
Il est donc absolument essentiel d’utiliser les carbapénèmes à bon escient, et donc de les réserver aux infections graves, en l’absence d’alternative thérapeutique. Dans le cas des infections peu sévères, telles les cystites, des alternatives existent (nitrofurantoïne, fosfomycine trométamol…).
La dérive actuelle est une surconsommation de pénèmes, par peur du trou microbiologique et perte du bon sens clinique.
Des règles de bon usage.
Cela a conduit le Haut Conseil de la santé publique à émettre des recommandations relatives aux mesures à mettre en œuvre pour prévenir l’émergence des entérobactéries BLSE et lutter contre leur dissémination (février 2010). À la demande du ministère, en décembre 2010, de nombreux hôpitaux ont mis en place des mesures spécifiques de surveillance des prescriptions des carbapénèmes.
« Le bon usage des carbapénèmes répond à trois règles spécifiques, valables aujourd’hui, mais qui ne sauraient toutefois constituer la vérité de demain », insiste le Dr Rémy Gauzit.
Tout d’abord une prescription exclusivement hospitalière (donc dans des cas sévères), réservée aux infections par bacilles à Gram négatif multirésistants, uniquement lorsqu’il n’y a pas d’alternative.
Si le traitement est initialement prescrit de façon probabiliste, une réévaluation à 48 heures est impérative, dans l’optique, si cela est possible, d’une désescalade thérapeutique.
Enfin, troisième règle, l’ertapénem, qui ne présente pas le même spectre que les autres carbapénèmes n’a que peu d’indications, la plus fréquente étant les infections urinaires sévères à entérobactéries BLSE, en l’absence d’alternative. Indication qui n’est pas celle de l’AMM en France (infections intra-abdominales, pneumonies communautaires, infections gynécologiques aiguës, infections de la peau et des tissus mous du pied chez le diabétique).
Le respect systématique des règles de prescription est essentiel pour limiter le recours aux carbapénèmes et éviter l’émergence de résistances.
« Par ailleurs, les nouvelles recommandations de l’EUCAST (European committee on antimicrobial sensibility testing), préconisent de remettre des comptes rendus d’antibiogrammes factuels et non plus des interprétations, mesure qui devrait aboutir à une réduction des prescriptions de pénèmes, en permettant des alternatives dans un certain nombre de cas », précise le Dr Gauzit.
D’après un entretien avec le Dr Rémy Gauzit, Hôtel-Dieu, Paris.
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