Maladies vectorielles en France métropolitaine : l’Anses sonne l’alarme

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Publié le 13/09/2024

La France métropolitaine va très probablement connaître des épidémies d’arbovirose dans les 5 ans à venir, et nos systèmes de surveillance et de soins ne sont pas prêts. Le nouvel avis de l’Anses est sans appel : des investissements et des plans d’action sont nécessaires.

La probabilité d’apparition d’épidémies dues à un arbovirus dans les cinq prochaines années est « assez élevée », alerte l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) dans une expertise commandée par la Direction générale de la santé (DGS) et publiée ce 13 septembre. Leur survenue aura un « impact sanitaire ainsi qu’économique et social », poursuit l’institution qui prévient que les hôpitaux ne sont pas prêts et que les dispositifs de lutte antivectorielle risquent d’être « rapidement saturés ».

L’Anses s’est appuyée sur la littérature et la consultation des acteurs de terrain. Les experts ont concentré leur analyse sur les maladies transmises par l’Aedes albopictus, ou moustique tigre, lesquelles constituent, selon eux, la principale menace. Depuis sa première détection en 2004, le moustique tigre s’est implanté dans 78 départements de l’Hexagone. En 2023, 45 % de la population de France hexagonale résidait dans des communes colonisées.

Explosion des cas en 2022

L’année 2022 a marqué un nouveau record : 66 cas de dengue autochtone, soit autant que le nombre total durant les dix années précédentes. Si jusque-là il s’agit de foyers localisés et qu’il est possible de retracer l’origine des contaminations, l’Anses craint que n’émergent des situations où les transmissions échappent à tout dispositif de contrôle et/ou que le chaînage de cas ne soit plus possible.

Les experts estiment que la probabilité d’épidémie d’arbovirose, tous virus confondus, dans les cinq prochaines années est comprise entre 6 et 7 sur une échelle de 0 à 9. Plusieurs facteurs les confortent dans cette analyse : l’implantation de plus en plus large du moustique tigre, l’augmentation du nombre de jours chauds associés à des précipitations et les importants flux de voyageurs provenant de zones endémiques.

La France n’est pas prête

« Certains acteurs impliqués dans le suivi et la lutte antivectorielle que nous avons interrogés au cours de l’expertise nous ont confié qu’ils auraient été débordés si des cas supplémentaires étaient survenus ces dernières années », indique Véronique Raimond, économiste de la santé au sein de la direction sciences sociales, économie et société de l’Anses. Ainsi, plusieurs agences régionales de santé (ARS) interrogées ont signalé une mise en tension de leurs moyens pour traiter le nombre important de cas importés en 2023. Cette tension n’était pas seulement liée à l’explosion du nombre de cas, mais aussi au manque de personnel et de financement des différents acteurs, des ARS aux opérateurs de démoustication.

L’Anses rappelle que la gestion de cas d’arbovirose, importés comme autochtones, « requiert des moyens matériels, financiers et humains importants. Les protocoles de surveillance et de contrôle nécessitent en effet, d’une part, de retracer tous les contacts de la personne infectée au cours des 10 jours précédents et, d’autre part, de contrôler les lieux visités par le malade afin d’éliminer les moustiques tigres présents. » Cette organisation coûteuse verrait son efficacité rapidement dégradée par la multiplication des cas. L’agence renouvelle donc les préconisations de son avis de mars 2024 : adapter les moyens aux besoins de prévention, de surveillance et de contrôle des arboviroses, et mise en place d’un plan interministériel.

Le système de santé en danger

Les experts estiment que le système de santé serait en tension en cas d’épidémie majeure, comme cela a été le cas dans les Antilles en 2020, lorsqu’une épidémie de dengue est survenue en même temps que celle de Covid-19. L’agence insiste sur la nécessité de valoriser les expériences des départements et régions d’Outre-mer pour préparer la riposte en métropole.

Peu de données sont disponibles sur l’effet d’une épidémie d’arbovirose sur l’état de santé général de la population. Néanmoins, le groupe de travail attire l’attention sur l’importance, pour le grand public et les professionnels de santé, de connaître les facteurs de risque et les signes d’alerte des formes sévères. En outre, des épidémies d’arbovirose auraient un effet indirect via la saturation du système de soins, notamment des services d’urgence en période estivale.

À ce titre, chaque arbovirose a ses spécificités : la dengue impacte surtout la médecine de ville et les services d'urgence et de réanimation. Pour le chikungunya, c’est la médecine de ville, les urgences et les services hospitaliers de médecine et de rhumatologie. Enfin l’infection à virus Zika a des conséquences sur les services de réanimation et les services de soins médicaux et de réadaptation (SMR), en raison de l’incidence du syndrome de Guillain-Barré. Les experts de l’Anses craignent aussi des répercussions sur la collecte de dons du sang.

Ils pointent l’absence de plans spécifiques pour l’organisation des soins en cas d’épidémie d’arbovirose dans les CHU interrogés. Seuls quelques hôpitaux du sud de la France ont adopté des mesures de sensibilisation et de surveillance.


Source : lequotidiendumedecin.fr