La table ronde sur la maladie de Lyme organisée ce 16 septembre par la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui s'interroge sur la possibilité d'une forme chronique de la maladie, a vu se rejouer l’opposition exprimée suite aux travaux de la Haute Autorité de santé (HAS) et à la publication de ses recommandations en 2018.
En cause ? Un chapitre consacré à la « symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après piqûre de tique, ou SPPT » qui avait conduit plusieurs sociétés savantes, dont la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), à ne pas valider le document en pointant son « manque de clarté ». Vingt-quatre sociétés savantes ont ensuite acté, en 2019, un consensus écartant la notion de chronicité de la maladie de Lyme.
La coexistence de ces deux recommandations entretient l’opposition entre la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT) et des associations de patients, d’un côté, et, de l’autre, les sociétés savantes, à qui la responsabilité des Centres de référence des maladies vectorielles à tiques (CRMVT), chargés de piloter la recherche et la prise en charge, a été confiée à la suite du Plan Lyme de 2016. Le processus de rédaction de nouvelles recommandations devait être relancé par la HAS en mars, mais est au point mort en raison de la crise sanitaire.
L'antibiothérapie en question
« J’ai acquis la conviction que nous ne sommes plus devant un débat scientifique », a regretté, devant les députés, le Pr Yves Hansmann, infectiologue au CHU de Strasbourg, qui collabore avec le Centre de référence de Nancy. Il a également exprimé son inquiétude sur les « effets de cette controverse et de cette polémique, en particulier chez les patients ».
« Il y a une pression extrêmement importante pour faire reconnaître sous le terme de maladie de Lyme chronique tout un ensemble de pathologies dont personne ne nie l’importance ni la gravité, mais cela conduit à faire agréer des prises en charge thérapeutiques avec des protocoles empiriques (...) en dehors de toute base scientifique », a ajouté le Pr Yves Buisson, président de la commission « Maladies infectieuses et tropicales » de l’Académie nationale de médecine.
De son côté, le Pr Christian Perronne, chef du service « Médecine aiguë spécialisée » de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, a dénoncé une « grande dérive de la médecine » où « tout ce qui n’est pas publié dans le "NEJM" ou le "Lancet" n’existe pas ». Membre de la FFMVT, il revendique une approche empirique : « la médecine, c’est la pratique médicale », a-t-il assuré aux députés, se disant « horrifié » du choix des CRMVT.
Pour le Pr Yves Hansmann, « le plan de 2016 n’est pas un échec » : les Centres de référence, opérationnels depuis début 2020, permettent l’élaboration d’une « prise en charge qui ne repose pas sur une antibiothérapie ». Ce traitement par antibiotiques, plébiscité par les « Lyme Doctors », est contesté. « Les études montrent qu’il ne fait pas mieux qu’un placebo », a rappelé aux députés le Pr Pierre Tattevin, président de la SPILF et à la tête du Centre de référence de Rennes.
Des « interventions innovantes » pour la prise en charge
Selon lui, ces centres sont « un grand progrès ». Leur activité, bien que récente et perturbée par la crise sanitaire, permet de développer des « interventions innovantes ». « À Clermont-Ferrand, le Centre de référence a constaté qu’une proportion importante de patients avait comme plainte principale une difficulté à réaliser des efforts. Au-delà de l’asthénie, il s’agit d’une incapacité à faire des efforts physiques, précise-t-il au « Quotidien ». Des relais auprès de médecins du sport ont été mis en place pour que les patients bénéficient de leur expertise dans le reconditionnement et l’accompagnement progressif vers la reprise de l’effort ». Cette approche, qui « rend service aux patients », est en cours de transposition par le Centre de référence de Rennes.
Autre approche, à Marseille, des consultations avec un psychologue sont proposées systématiquement, « non pas pour mettre une étiquette de troubles psychosomatiques sur les patients, mais pour décortiquer leurs vécus des symptômes », insiste le Pr Tattevin. À Nancy, ce sont des consultations de réflexologie qui ont été mises en place. Plusieurs Centres (Rennes, Clermont, Villeneuve-Saint-Georges) réalisent par ailleurs pour chaque patient une étude sur la qualité de vie. L’accent est également mis sur la formation avec la création à Clermont-Ferrand d’un DU dédié.
Ces avancées sont à poursuivre, estime le patron de la SPILF, qui comme les associations de patients, appelle au développement de la recherche. Il a également exhorté les députés, s’il retenait la notion de chronicité, à faire en sorte que la forme chronique « ne soit pas associée à un cocktail d’antibiotiques qui fait plus de mal aux patients que de bien ».
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