Dr Anne-Lise Munier, référent infectiologue, centre correspondant IOA, hôpital Lariboisière, Paris

L'étape diagnostique est fondamentale

Par
Publié le 08/04/2019
Article réservé aux abonnés
Infection prothèse

Infection prothèse
Crédit photo : DR

Le Quotidien du Médecin. Quand faut-il évoquer le diagnostic ?

Dr Anne-Lise Munier. Le diagnostic est relativement facile en postopératoire immédiat face à de la fièvre, des douleurs et une cicatrice inflammatoire. Mais il peut être nettement moins évident dans les infections retardées ou tardives, plus de trois mois après le geste chirurgical. Les bactéries sont alors volontiers moins virulentes, l'infection peut évoluer à bas bruit donnant un tableau clinique subaigu. Il n'y a pas forcément de fièvre. Un signe manque cependant rarement, c’est la douleur, qui lorsqu'elle est persistante doit faire évoquer une possible infection. Le bilan biologique n'est pas toujours perturbé, notamment, la CRP peut être normale ou à peine augmentée. L’imagerie est aussi d’interprétation difficile et les signes évocateurs d’infection comme le descellement de la prothèse peuvent être absents. La prothèse peut également s'infecter par voie hématogène. Ceci peut survenir à tout moment après la pose de prothèse, notamment chez les sujets âgés, et fait souvent suite à une infection à staphylocoques, ou à streptocoque à porte d'entrée cutané, dentaire ou encore digestive. Le diagnostic peut ainsi être un challenge, il convient donc de l’évoquer facilement chez un patient porteur d’une prothèse.

Comment le confirmer ?

Le diagnostic est confirmé lorsqu’une bactérie est identifiée dans un prélèvement profond, ponction ou bien prélèvement peropératoire. En cas de suspicion d'infection, le patient doit consulter un chirurgien, avant toute antibiothérapie. En effet, un traitement à l'aveugle risquerait de décapiter l'infection. Exception faite bien sûr des situations d'urgence comme un choc septique, pour lequel l’antibiothérapie doit être commencée sans délai après 2 paires d’hémocultures. Il est essentiel d'isoler le germe, afin de distinguer une véritable infection d'une contamination et d'adapter l'antibiothérapie. Pour se faire, il faut pratiquer des prélèvements de qualité, complétés par un examen anatomopathologique des tissus, et des techniques de cultures spécifiques. Une ponction négative n’élimine pas le diagnostic et peut être répétée si besoin.

De nouvelles techniques ont été développées en microbiologie, pour aider au diagnostic. En plus des cultures prolongées et des milieux enrichis qui sont utilisés pour identifier les bactéries, de nouveaux outils sont maintenant à disposition. La biologie moléculaire et la recherche d'ADN bactérien permettent d'identifier des micro-organismes dans des situations difficiles : bactéries décapitées (par une antibiothérapie préalable), atypiques ou déficientes. Ces techniques peuvent aussi être utilisées pour raccourcir le délai de rendu des résultats concernant la résistance aux antibiotiques. Ceci permet maintenant d'adapter plus vite les traitements et de limiter la toxicité de certains antibiotiques.

Quelle est la place de l'antibiothérapie ?

Le traitement chirurgical est la pierre angulaire de la prise en charge. En raison de la présence d'un biofilm sur la surface de la prothèse, le traitement médical ne peut être efficace sans geste chirurgical associé (lavage complété ou non du retrait de la prothèse). Concernant l'antibiothérapie, le dogme de la bithérapie systématique est tombé. Il est désormais possible de traiter certaines infections avec un seul antibiotique en fonction de l'antibiogramme. Toutefois, pour les infections à staphylocoque, une bithérapie, faisant notamment appel à la rifampicine, reste d'actualité.

Comment affirmer la guérison ?

Là encore, les données de l'imagerie et de la biologie sont peu spécifiques et seul le temps permet d'affirmer la guérison. En pratique, il faut attendre au moins un an avant de pouvoir parler de guérison. Ceci explique pourquoi le retentissement psychologique de ces infections peut être important pour le patient, qui subit des traitements lourds et prolongés et vit dans l'incertitude. Un soutien psychologique peut être nécessaire.

Propos recueillis par le Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste