Alors que la résistance aux antibiotiques est en recrudescence et conduit de plus en plus régulièrement à des impasses de traitement, les chercheurs tentent de mettre au point des alternatives thérapeutiques. C’est le cas aux Hospices civils de Lyon (HCL), où des médecins travaillent depuis 2017 sur le projet PHAGEinLYON, qui s’est donné pour objectif de développer en France l’accès à la phagothérapie.
Dans le cadre de l’appel à projets « Antibiorésistance : comprendre, innover, agir » piloté par l’Agence nationale de recherche (ANR), les HCL viennent de recevoir un financement de 2,85 millions d’euros pour un nouveau projet appelé Phag-One, qui va permettre d'accélérer la démarche engagée.
Cadre compassionnel et essais cliniques
« La phagothérapie, c’est une thérapie qui utilise des phages, c’est-à-dire des virus qui ne sont actifs que sur des bactéries sans avoir aucun effet sur les cellules humaines. Ils se fixent sur les bactéries, y injectent leur ADN, puis utilisent la machinerie de la bactérie pour fabriquer des bactériophages et produire des enzymes qui font exploser la bactérie. Ce cycle se fait en une demi-heure », explique le Pr Frédéric Laurent, microbiologiste et chef de service de bactériologie au sein de l’Institut des agents infectieux à Lyon. Il précise qu’« un phage a la particularité de libérer 1 000 phages, donc c’est un système qui s’auto-entretient jusqu’à disparition complète des bactéries ».
L'idée du projet Phag-One est de réaliser au sein des HCL l’isolement, la production, la purification, le conditionnement et les contrôles de qualité de phages thérapeutiques académiques actifs sur trois espèces (Staphylococcus aureus, Staphylococcus epidermidis et Escherichia coli) et remplissant toutes les exigences réglementaires des tutelles et autorités de santé pour une utilisation chez l’homme. Les phages thérapeutiques produits seront ensuite utilisés pour traiter les infections à bactéries multirésistantes aux antibiotiques, dans un cadre compassionnel et dans le cadre d’essais cliniques.
Vers un Institut des phages
Les phages ont été découverts dans les années 1920 en France par Félix d'Hérelle, mais ils ont été délaissés en France du fait de l’avènement des antibiotiques, jugés plus faciles d’utilisation et plus efficaces. Or, de plus en plus de patients présentent des infections liées à des bactéries multirésistantes ; et parfois, plus aucun antibiotique n’est actif. Au sein des Hospices civils de Lyon, le Centre de référence des infections ostéo-articulaires complexes (CRIOAc Lyon) a fait ce constat alarmant sur des infections de prothèses de genou et de hanche. Les phages apparaissent donc comme une alternative thérapeutique intéressante, bien qu’ils ne soient pas encore officiellement reconnus.
« Actuellement, les phages n’apparaissent pas dans la pharmacopée européenne et ne sont pas autorisés par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France. Le seul usage possible de ces traitements est dans un cadre compassionnel, strictement encadré par l’ANSM », précise le Pr Laurent. Pour l’instant, seuls 26 patients ont pu bénéficier de la phagothérapie à Lyon. « Il s'agissait de patients en fin de ligne de traitement, pour lesquels la prise en charge classique était en échec. Après la phagothérapie, un certain nombre d’entre eux ont pu rentrer chez eux, alors que c’était des patients alités, sous morphine », détaille le microbiologiste.
Avec le projet Phag-One, « notre idée, à terme, est de créer un "institut des phages" à Lyon, qui fabrique des phages et les dispatche pour nos patients mais aussi dans les autres hôpitaux », conclut le Pr Laurent.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024