Créés pour améliorer la prise en charge des patients atteints - ou suspectés d’être atteints - d’une borréliose de Lyme (BL), les centres de référence des maladies vectorielles à tiques (CRMVT) remplissent leur fonction. À l’issue d’une prise en charge ambulatoire, pluridisciplinaire et coordonnée, les patients adressés connaissent à 80 % une amélioration favorable à un an, qu’ils aient eu une BL ou non.
Ce bilan est tiré d’une étude sur plus de 500 cas pris en charge au CRMVT de Villeneuve-Saint-Georges, publiée l’an dernier dans « Microorganisms » (1). C’est « encourageant », estime auprès du « Quotidien » la Dr Alice Raffetin, coordinatrice du CRMVT rattaché au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, et autrice de l'étude. Ce résultat valide l’intérêt de cette modalité de prise en charge pour mettre fin à l’errance diagnostique et « orienter le patient vers une filière de soins adaptée à ses symptômes », poursuit-elle.
Chance accrue de guérison après BL confirmée
Présentée en septembre à Amsterdam lors de la 16e Conférence internationale sur la BL, l’étude a examiné l’évolution clinique des patients un an après leur prise en charge au CRMVT. Parmi les 569 cas étudiés, seulement 12,7 % avaient eu une BL confirmée et 7 % une BL possible. On retrouve dans ce dernier groupe des cas où « le traitement antibiotique d’épreuve a fonctionné, mais un élément manquait dans le triptyque du diagnostic (exposition aux tiques, signes cliniques typiques et sérologie positive), ne permettant pas de confirmer un Lyme de manière certaine », précise la Dr Raffetin.
Par ailleurs, 10 % présentaient des signes persistants après une BL confirmée et bien traitée. Mais la grande majorité des patients (environ 70 %) n’avait pas de BL et a reçu un diagnostic différentiel, « dont les signes cliniques (atteintes articulaires, neurologiques, cutanées) peuvent être confondus avec la BL », souligne l’infectiologue.
Un an après leur prise en charge au CRMVT, plus de 80 % des patients ont évolué favorablement, « soit avec une guérison totale (retour à un état antérieur), soit avec une amélioration partielle, c'est-à-dire la persistance de signes cliniques, sans entraves à la vie quotidienne ou à la reprise des activités, notamment professionnelles », poursuit-elle, avant d’insister : « Les patients avec une BL confirmée ont une meilleure évolution clinique que les autres, ils ont trois fois plus de chances d’être complètement guéris à un an. »
Pronostic dégradé après antibiothérapies non recommandées
À l’inverse, un délai de prise en charge supérieur à 16 mois (entre les premiers symptômes et la première consultation au CRMVT) est associé à une moins bonne évolution clinique. Ces patients ont deux fois moins de chance de guérison un an après, par rapport aux patients pris en charge plus rapidement. « Les patients qui ont reçu des antibiothérapies non recommandées (plus de deux mois ou prescriptions multiples), soit 17,8 % des patients de l’étude, ont également deux fois moins de chances de guérir à un an », souligne la Dr Raffetin.
Ce bilan illustre les bénéfices du dispositif mis en place en 2019 avec la création de cinq CRMVT (2), travaillant en synergie avec les centres de compétence hospitaliers locaux. Les patients y sont adressés avec une lettre de leur médecin traitant et leur dossier médical complet. « Le dossier est étudié avant la venue du patient pour prévoir, programmer le déroulé de la journée de prise en charge pluridisciplinaire », explique la Dr Raffetin. Plusieurs spécialistes sont impliqués : neurologue, rhumatologue, psychologue, médecin du sport et/ou de réadaptation physique, etc.
Ce dispositif ambulatoire évite l’errance diagnostique à des patients « trop souvent baladés de médecin en médecin sans obtenir de réponse et surtout sans coordination des parcours de soins », observe l’infectiologue. « En une journée, on est capable d'orienter vers un diagnostic, maladie de Lyme ou non, même si la démarche est parfois complexifiée par la présence de pathologies associées, qui rendent atypique la manifestation de la BL », précise-t-elle.
Pour les pathologies complexes réclamant une synthèse de nombreux examens et une réflexion, la prise en charge est « aujourd’hui difficile en ville », juge la Dr Raffetin. « Les généralistes devraient être la pierre angulaire du système, mais, étant en sous-effectif sur tout le territoire, ils peinent à jouer le rôle de coordination ou celui de synthèse médicale », constate-t-elle.
Le parcours pluridisciplinaire mis en place avec les CRMVT pourrait être décliné pour d’autres pathologies complexes, comme le diabète, l'hypertension artérielle, le Covid long, les syndromes post-infectieux ou fonctionnels, « autant de pathologies pour lesquelles aucune prise en charge pluridisciplinaire n’est définie », poursuit-elle. Un modèle pluridisciplinaire a déjà été adopté dans d'autres centres de référence, notamment pour la sclérose en plaques. « Au vu des effectifs médicaux sur le territoire, la question de l’organisation des soins va se poser », anticipe-t-elle.
(1) A. Raffetin et al, Microorganisms, 2022. doi: 10.3390/microorganisms10030607
(2) Le CHU de Clermont-Ferrand associé à celui de Saint-Étienne, le CHU de Marseille, le CHU de Rennes, le CHU de Strasbourg associé à celui de Nancy et le Groupe hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges associé au CHU de Créteil.
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