Que les choses soient claires : il ne s'agit pas de faire une leçon de morale et encore moins de culpabiliser les malades. Simplement décrire une réalité : le Covid-19 ne tue pas tout le monde. Si l’on met de côté le cas des personnes très âgées naturellement plus fragiles, le virus est dangereux essentiellement pour les personnes souffrant de maladies chroniques et de comorbidités telles qu’hypertension, obésité et diabète de type II, pathologies contemporaines s’il en est. À tel point que l’on peut se demander si le confinement aurait été nécessaire il y a 50 ans. Ou si le virus aurait autant tué, en dépit des équipements modernes des services de réanimation.
Le surpoids et l’obésité ont explosé dans les pays riches. Le plus inquiétant est que cela commence dès le plus jeune âge. En France, le taux des 5-19 ans en surcharge pondérale a doublé depuis 1975 et la courbe ne s’aplatit pas, ce qui laisse un bel avenir au Covid et autres pandémies de même nature. Aux États-Unis, les afro-américains sont plus touchés (33 % des hospitalisations liées au Covid alors qu’ils ne représentent que 13 % de la population). Même Donald Trump s’en est ému, c’est dire. En cause des emplois plus exposés et une plus grande précarité mais peut-être aussi le fait qu’ils sont plus touchés par les problèmes d’obésité. Ces deux derniers points étant liés, c’est un fait établi.
Le surpoids et les pathologies associées augmentent quand le niveau d’activité physique suit une courbe diamétralement opposée. Les causes sont connues (transports, loisirs et emplois passifs). Là encore, cela commence dès le plus jeune âge. Il y a 50 ans, la grande majorité des enfants allait à l’école en marchant, voire à ski de fond ! Combien dans ce cas de nos jours ?
Beaucoup moins actifs qu'avant
Nous sommes peut-être davantage sportifs qu’avant mais nous sommes surtout beaucoup, beaucoup moins actifs. Résultats : les performances physiques baissent de façon dramatique. La comparaison des performances des pères (ou des mères) avec celles de leur fils (ou leur fille) au même âge penche toujours en faveur des premiers, quelle que soit la qualité physique considérée. Notre capacité à consommer de l’oxygène au maximum en une minute pendant un exercice intense (un indice de performance sportive mais aussi et surtout de santé) a baissé de près de 0,5 % par an entre 1980 et 2000. C’est énorme et nul doute que ça continue de décroître. Là encore le surpoids joue un rôle mais il n’est pas le seul coupable.
Certes l’espèce humaine continue à battre des records sportifs. Mais jamais nous n’avons eu autant d’écarts entre ce tout petit pourcentage de la population qui fait du sport à haut niveau et dont les performances continuent d’augmenter et les 50 % les moins actifs dont le niveau physique s’amenuise de jour en jour. Cette augmentation des écarts entre les extrêmes, cela ne vous rappelle rien ?
On ne peut que se réjouir que le gouvernement ait laissé une heure de sortie par jour pour pratiquer une activité physique. Mais même lorsqu’il n’est pas contraint comme dans certaines villes, cet exercice quotidien risque de ne pas être suffisant pour compenser la sédentarité télétravail/Netflix (levez la main si vous faites en ce moment les sacro-saints 10 000 pas par jour ?).
Le déconditionnement physique qui en résultera probablement va lui aussi peser sur le système de santé. Et peut-être même accentuer la fatigue chronique de la population qui elle-même induira potentiellement une hausse de l’absentéisme (une fois passé le plaisir de retrouver les collègues) et une baisse de productivité. Un genre de double peine.
On l’a dit en introduction, il ne s’agit pas ici de tenir un discours moralisateur à l’échelle individuelle. Ni de demander aux enfants de retourner à l’école à ski de fond (de toute façon, il n’y a plus de neige). Il s’agit d’affirmer avec force qu’une politique volontariste (équipements sportifs, promotion de l’activité physique, financement de programmes de recherche dans les sciences du mouvement, amélioration de la cyclabilité et marchabilité des villes, sport à l’école, aide aux associations et aux entreprises volontaires) doit être mise en place pour renforcer la pratique physique régulière de toute la population, à tous les âges.
Bien sûr la priorité est de stopper le démantèlement du système de santé mais lutter contre la sédentarité et l’inactivité reste certainement un des meilleurs moyens pour diminuer le nombre de personnes visitant les hôpitaux chaque jour.
Guillaume Millet,
Professeur de Physiologie de l’Exercice,
Université Jean Monnet Saint-Etienne,
Chaire Activité Physique Santé,
Membre Senior de l’Institut Universitaire de France
Cette contribution n’a pas été rédigée par un membre de la rédaction du « Quotidien » mais par un intervenant extérieur. Nous publions régulièrement des textes signés par des médecins, chercheurs, intellectuels ou autres, afin d’alimenter le débat d’idées. Si vous souhaitez vous aussi envoyer une contribution ou un courrier à la rédaction, vous pouvez l’adresser à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024