Une étude française, publiée dans « Nature Communications », confirme l’extrême vulnérabilité des patients immunodéprimés face au Covid. Alors que la majorité de la population bénéficie de la protection offerte par la vaccination, les immunodéprimés, mauvais répondeurs aux injections, sont surreprésentés parmi les patients en réanimation. Ils « doivent être protégés avec tous les types possibles de prophylaxie », insiste le Pr Slim Fourati du service de bactériologie-virologie de l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP), dernier auteur et coordinateur de l’étude aux côtés du Pr Nicolas de Prost du service de médecine intensive-réanimation de l'hôpital.
Leurs équipes, associées à l’Inserm et l’université Paris-Est-Créteil, se sont penchées sur les caractéristiques associées à la sévérité de l’infection Omicron chez les patients hospitalisés en réanimation ou en soins intensifs par rapport à l’infection Delta. Menée de décembre 2021, aux prémices de la vague Omicron, à mai 2022, l’étude, baptisée Sevarvir, a inclus 259 patients pris en charge dans 20 services de réanimation : 148 étaient infectés par Omicron et 111 par Delta.
Des phénotypes cliniques différents entre Delta et Omicron
Premier constat, le phénotype clinique des patients infectés par Omicron est différent de celui des patients Delta. Les patients Omicron étaient significativement plus âgés, avaient un score de fragilité clinique (calculé par les réanimateurs à l’admission) plus élevé et présentaient des comorbidités significativement plus fréquentes, en particulier de l’hypertension, de l’insuffisance respiratoire chronique ou de l’insuffisance rénale chronique.
Surtout, la part des immunodéprimés était trois fois supérieure avec Omicron par rapport à Delta : 43 % des patients Omicron contre 13 % des patients Delta. Sont principalement concernés « les transplantés d’organes solides (en particulier les transplantés rénaux), les patients souffrant de maladies hématologiques et ceux sous corticoïdes au long cours », indique le Pr Fourati.
Parmi les patients Omicron immunodéprimés, la plupart ont reçu deux doses de vaccin ou plus (85,9 %), mais affichent une mauvaise réponse humorale à la vaccination. Parmi eux, « il n’y avait pas de différences significatives en termes de dosages d’anticorps anti-S entre ceux qui étaient vaccinés et ceux qui ne l’étaient pas », souligne le Pr Fourati. En l’absence d’anticorps monoclonaux efficaces contre les variants actuels (BA.5 et son sous-lignage BQ.1.1 désormais majoritaire), « c’est une population qui peut aller en réanimation », insiste-t-il.
L’évaluation de la sévérité brouillée par la vaccination
Les résultats suggèrent l’effet de la vaccination sur la population générale, dont les personnes à risque du fait de leur âge et/ou de leurs comorbidités. « Globalement, les personnes vaccinées ne vont plus en réanimation », résume le Pr Fourati.
De récentes données américaines comparant Delta et Omicron chez des patients hospitalisés, publiées dans « Clinical Infectious Diseases », suggèrent qu’Omicron ne serait pas moins sévère que la souche ancestrale chez les non-vaccinés. « Si aujourd’hui Omicron nous apparaît moins sévère, c’est grâce à la vaccination, poursuit-il. Les patients immunodéprimés, qui y répondent moins bien, doivent bénéficier de tous les types possibles de prophylaxie, dont les masques et les antiviraux. »
L’étude française a également permis d’établir les facteurs prédictifs, à l’admission, de la mortalité à J28 : l’âge, le score de sévérité élevée à l’admission et l’insuffisance cardiaque chronique. Les patients Omicron n’étaient pas forcément moins sévères que les patients Delta. « Arrivés en réanimation, que l’infection soit par Delta ou Omicron, la mortalité à J28 est similaire. Mais, au sein de la population infectée par Omicron, le fait d’être immunodéprimé était associé à une surmortalité à J28 (46,9 % parmi les immunodéprimés contre 26,2 % chez les immunocompétents) », précise le Pr Fourati.
L’étude a été menée dans le cadre du consortium Emergen, créé pour surveiller l’émergence des variants et pour en étudier la variabilité génétique, avec Santé publique France, l’ANRS-MIE et un financement du ministère de la Recherche. Elle se poursuit pour permettre un recueil des données sur 48 mois. L’analyse des données des patients infectés avec BA.5 est en cours.
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