DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA MALADIE D’ALZHEIMER est associée à une accumulation cérébrale d’amyloide-bêta mal repliée.
Si des arguments irréfutables indiquent que le mauvais pliage et l’oligomérisation de l’amyloïde bêta constituent l’événement déclencheur dans l’Alzheimer, les mécanismes à l’origine de ce mauvais pliage et de cette accumulation sont inconnus.
Il est intéressant de noter que des agrégats cérébraux de protéines mal repliées s’observent aussi dans d’autres maladies neurodégénératives, dont les maladies à prions. Or, dans ces dernières, la pathologie peut être transmise par infection ; la forme mal repliée et agrégée de la protéine prion normale constitue l’agent infectieux, propageant la maladie en convertissant les prions normaux en prions mal repliés. On peut donc se demander si d’autres maladies associées à un mauvais pliage de protéine pourraient être transmises in vivo.
Dans une étude publiée par « Molecular Psychiatry », Morales, Soto et coll. montrent que l’injection d’un extrait cérébral contenant des agrégats d’amyloïdes bêta peut induire une neuropathologie caractéristique de l’Alzheimer chez des souris qui, sans inoculation, ne développent pas ces anomalies pathologiques.
En pratique, les chercheurs ont étudié des souris transgéniques exprimant la protéine humaine APP normale ; elles produisent la version humaine de l’amyloïde bêta (ou Abeta), mais ne développent pas de dépôts d’Abeta.
L’apparition de dépôts après inoculation chez la souris.
Les chercheurs ont prélevé un extrait de cerveau chez une patiente atteinte de maladie d’Alzheimer et l’ont injecté dans le cerveau (hippocampe) de six souris ; six autres souris témoins ont reçu l’inoculation d’extrait cérébral d’un patient indemne de la maladie d’Alzheimer.
Résultat : chez toutes les souris ayant reçu l’extrait de la patiente atteinte d’Alzheimer, on observe l’apparition de dépôts d’Abêta, qui s’accroissant progressivement avec le temps, même à distance du site d’injection. Ces résultats suggèrent que, dans un contexte expérimental, des anomalies typiques de l’Alzheimer peuvent être induites par un mécanisme de transmission prion-like par propagation du mauvais pliage protéique.
Cette étude diffère d’une précédente étude, publiée il y a un an (« Science », Eisele et coll.), qui montrait que l’accumulation cérébrale d’Abeta pouvait être accélérée in vivo en injectant des extraits cérébraux d’Alzheimer dans la cavité péritonéale de souris transgéniques exprimant une forme mutante de l’APP humaine ; ces souris développent spontanément la maladie d’Alzheimer à l’âge de 8 mois, et ce que l’on observe est simplement une accélération de quelque mois de la maladie.
Il reste maintenant à savoir si certains cas d’Alzheimer pourraient être déclenchés par un mécanisme de transmission prion-like dans des conditions naturelles chez l’homme.
Transfusion, alimentation, transmission mère enfant ?
« Notre prochain objectif, sur lequel nous travaillons déjà, est de voir chez l’animal si d’autres voies d’exposition plus naturelles pourraient permettre de transmettre la maladie », confie au « Quotidien » le Pr Soto. « L’étude actuelle apporte la preuve de principe que des anomalies de la maladie d’Alzheimer peuvent être transmises dans des conditions expérimentales. Il nous faut maintenant voir si cela est possible avec d’autres modes d’exposition plus pertinents en pratique, par exemple la transfusion sanguine, l’apport alimentaire et la transmission verticale de la mère au fœtus. »
« Par ailleurs, nous avons commencé une étude épidémiologique chez des patients affectés de la maladie d’Alzheimer afin de voir si nous pouvons découvrir une origine infectieuse. Cela risque d’être assez difficile puisque, si ces molécules se comportent comme les prions, leurs caractéristiques sont très différentes des agents infectieux habituels ; par exemple, le temps d’incubation pourrait être très long (avec le prion infectieux humain, les personnes infectées aujourd’hui peuvent avoir la maladie 40 ans plus tard). Il faudra donc conduire de grandes études portant sur de nombreux patients et analyser la possibilité que certains cas d’Alzheimer puissent être définitivement reliés à un processus infectieux. »
« Si nous pouvons démontrer qu’au moins une proportion des cas d’Alzheimer peut effectivement avoir une origine infectieuse, cela ouvrirait de nouvelles perspectives pour la prévention et le traitement de la maladie. Par exemple, après avoir identifié les voies par lesquelles les individus sont exposés au " matériel infectieux ", nous pourrions peut-être être en mesure de prévenir l’exposition et la propagation de la maladie. Nous pourrions aussi cibler les voies qui permettent à la protéine mal repliée d’être acquise et de pénétrer dans le cerveau. »
« Ces résultats pourraient également avoir des implications pour d’autres maladies neurodégénératives associées à l’accumulation de protéines agrégées mal repliées, comme la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington, et la sclérose latérale amyotrophique. »
Molecular Psychiatry, Morales et coll., 4 octobre 2011
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