Les médecins italiens de l'institut national des maladies infectieuses « Lazzaro Spallanzani » et du département des maladies infectieuses de l'hôpital San Donato de Rome ont décrit dans « Eurosurveillance » les premiers cas de présence de virus de la variole du singe dans le sperme.
Les auteurs décrivent quatre cas chez des trentenaires infectés entre le 17 et le 22 mai 2022. Tous étaient en bonne santé générale. Le premier, traité par de la ciprofloxacine et de l'aciclovir associés à une dose unique de benzylpénicilline à la suite d'apparition de lésions cutanées, était doté d'ombilications inguinales sur les régions génitales avec lymphadénopathies inguinales.
Le second patient a été admis à l'hôpital à la suite de fièvre et d'asthénie. Au bout de trois jours, des lésions cutanées périanales se sont multipliées. Le troisième patient, avait été hospitalisé à la suite de deux jours de fièvre et de l'apparition de lésions papulaires anales provoquant des démangeaisons et d'autres lésions au niveau de la tête, du thorax, des jambes, des mains et du pénis. Enfin, le quatrième patient, souffrait de douleurs musculaires depuis deux jours quand il a été hospitalisé, il a ensuite développé des lésions génitales puis des lésions dans d'autres régions.
Les premier et troisième patients étaient séropositifs au VIH, tandis que les deux autres étaient sous Prep. Tous avaient en commun de s'être rendus dans un festival sur l'île de la grande Canarie, dont un s'y était rendu pour ses activités de travailleur du sexe, et tous avaient des antécédents de comportement sexuel à risque et d'infection sexuellement transmissible (IST).
Une quantité équivalente à celle de la cavité ORL
Pour les chercheurs italiens, « les comportements sexuels des quatre patients et la localisation des lésions » suggèrent « que les contacts au cours des relations sexuelles étaient particulièrement impliqués dans la transmission du virus ». Plus nouveau, de l'ADN du virus de la variole du singe a été détecté dans des prélèvements de liquide séminal, effectués 5 à 7 jours après le début des symptômes, chez trois d'entre eux.
Il a fallu entre 27 et 30 cycles de PCR pour détecter l'ADN viral. La corrélation entre le nombre nécessaire de cycles de PCR nécessaire et la charge virale n'est pas connue mais l'analyse des échantillons exclut cependant l'hypothèse d'une contamination après le prélèvement.
« Des études ont montré par le passé qu'il existe une possibilité que la variole du singe puisse être transmise par le biais de substance d'origine humaine, rappellent les auteurs, et il faut mettre l'accent sur le fait que le nombre de cycles de PCR est le même que celui nécessaire pour détecter de l'ADN viral dans les prélèvements nasopharyngés. »
Les auteurs rappellent aussi que, dans le cadre d'autres virémies, les testicules sont des sites immunologiquement protégés qui abritent souvent des virus incapables de se répliquer. « D'autres études seront nécessaires pour attester ou non de la présence, de la persistance et de la contagiosité des virus détectés dans le sperme », concluent les chercheurs italiens.
Une épidémie d'IST
Qu'elle soit transmise par le sperme ou seulement par le contact corporel pendant l'acte, la variole du singe peut être considérée comme une infection sexuellement transmissible, comme l'a estimé la virologue Christine Rouzioux : « La contamination se fait par voie sexuelle et par voie cutanée », a-t-elle résumé au micro de France Info.
C'est aussi ce que confirme une analyse menée sur 54 patients recrutés dans quatre centres de santé sexuelle, la plus importante jamais constituée depuis le début de cette épidémie, publiée dans « The Lancet Infectious Diseases ». Une équipe britannique de l'hôpital de Chelsea et Westminster y affirment que l'épidémie de variole du singe partage toutes les caractéristiques communes aux épidémies d'IST connues.
Par rapport à ce qui a été observé lors des épidémies de variole du singe en Afrique, les symptômes majoritairement décrits dans cette première série présentent des différences notables, à commencer par la localisation des lésions, une prévalence plus faible de fatigue et de fièvre et l'absence de symptômes précédant l'apparition de lésions cutanées. Si le diagnostic était posé sur les critères appliqués en Afrique, au moins un patient britannique sur 6 passerait au travers des mailles du filet.
Les 54 cas, diagnostiqués via un test PCR sur une période de 12 jours en mai 2022, étaient tous des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes et représentent 60 % des cas britanniques répertoriés sur cette période. Ils présentaient une forte proportion de lésions génitales et/ou anales, ce qui suggère une transmission via un contact cutané au cours d'une relation sexuelle.
Plus de 41 % des patients ont rapporté avoir eu une relation sexuelle au cours des trois semaines précédant les premiers symptômes et la quasi-totalité (49/52) précise ne pas utiliser systématiquement de préservatif avec un nouveau partenaire, et la moitié d'entre eux ont été en relation avec au moins 5 partenaires sexuels différents au cours des 12 semaines précédentes.
D'autres IST retrouvées
Sur la base de ces données, les auteurs suggèrent que la description des « cas probables » de variole du singe doit être revue pour refléter ces caractéristiques. Les auteurs suggèrent de s'appuyer sur des spécialistes de la santé sexuelle et de maladies sexuellement transmissibles pour lutter contre l'épidémie.
La localisation des lésions « de même que le fait qu'un quart des patients ont été testés positivement pour la gonorrhée ou la chlamydia en même temps que pour la variole du singe suggèrent que la transmission se fait exclusivement dans le cadre de relations sexuelles, juge la Dr Ruth Byrne, co-autrice de l'étude. Toutefois, cette observation peut être biaisée par le fait que la cohorte a été constituée à partir de patients qui fréquentent des centres de santé sexuelle. Il est possible que les différents stades de l'infection par le virus de la variole du singe imitent les caractéristiques cliniques d'IST communes. »
La plupart des cas de variole du singe décrits étaient peu sévères, mais cinq patients ont tout de même dû être hospitalisés pour une durée médiane de sept jours à cause des douleurs et de lésions cutanées surinfectées.
Le virus de la variole du singe est un virus à double hélice d'ADN de la famille des Orthopoxvirus. Deux clades ont été identifiés à ce jour : un originaire d'Afrique de l'Ouest, un originaire d'Afrique centrale. En dehors du continent africain, les premiers cas ont été signalés en 2003 aux États-Unis. À la date du 29 juin, 4 178 cas d'infection par la variole du singe ont été rapportés dans 31 pays de la région OMS Europe.
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