Il y a cinq ans une tache apparaît sur le bras d’une des femmes de la famille Bouanaoué à Bélep, une île isolée à l’extrême nord de la Nouvelle-Calédonie. « Je pensais à un champignon mais tous les jours la tache grandissait, mon bras me paraissait lourd. On aurait dit que j’avais des écailles. J’avais peur », raconte-t-elle.
Après avoir consulté plusieurs médecins qui ne trouvent pas ce qu’elle a, elle se rend à l’hôpital de Nouméa, à plusieurs heures de chez elle. Le diagnostic tombe. La lèpre. Cette maladie rare, peu connue des personnels soignants souvent venus de France métropolitaine, est difficile à diagnostiquer. Ils n’imaginent pas la découvrir sur un territoire français.
Une maladie gardée secrète
« J’ai eu beaucoup de mal à l’accepter. Personne ne sait que j’ai eu la maladie, chuchote cette femme d’une quarantaine d’années. J’avais peur des regards, des paroles des gens, qu’on ne me parle plus. C’est petit ici, on montre du doigt. » Durant son traitement, pendant six mois, elle reste chez sa mère à Nouméa, loin de sa famille et de Bélep.
Elle n’est pourtant pas la seule à avoir eu la lèpre. En avril 2018, la Direction des affaires sanitaires et sociales de Nouvelle-Calédonie (DASS-NC) effectue une campagne de dépistage sur l’île. Près de 74 % de la population est dépistée et un quart de ces personnes est porteuse du bacille de Hansen, Mycobacterium leprae, responsable de cette maladie, ou présente des traceurs évoquant un contact antérieur avec lui. « C’est gardé secret. Certains en parlent un peu mais beaucoup n’osent pas le dire. Avant d’être malade je ne connaissais pas les symptômes, je ne savais pas vraiment ce que c’était. C’est un sujet tabou », explique cette femme qui porte aujourd’hui la marque de la maladie sur son bras. « Je dis que c’est une brûlure », confie-t-elle en riant.
De nombreuses ruptures thérapeutiques
Taches dans le dos, mains et pieds gonflés, en 1999, Georges Bouanaoué apprend qu’il a la lèpre. Il est envoyé pendant plusieurs mois à la léproserie de Ducos, située près de Nouméa et ouverte entre 1918 et 2016. Sa femme confie avoir eu peur d’être contaminée même si les médecins leur disent que ce n’est pas très contagieux. « La maladie l’a transformé. Il avait du mal à travailler, à marcher. J’étais triste pour lui », se souvient-elle. Il prend un traitement pendant deux ans. Les symptômes disparaissent vite mais la maladie revient.
Aujourd’hui, il a encore des douleurs dans les pieds. Georges, comme de nombreux malades, a un mauvais suivi thérapeutique. Le médecin du centre médico-social, Karim Rahem, déplore : « La maladie ne peut pas être éradiquée tant qu’il y a des ruptures thérapeutiques. Il faudrait comprendre pourquoi les patients ne prennent pas leur traitement. Négligence ? Paresse ? Croyances ? Manque de prise de conscience de la gravité de la maladie ? On doit parfois batailler pour qu’ils suivent les prescriptions. Il y a des cas avec atteintes neurologiques qui pourraient être évités si les médicaments étaient pris ! » Par exemple, un jeune garçon de Bélep a aujourd’hui une main de singe à la suite d’une lèpre traitée trop tardivement. « Ça ne fait pas mal alors les gens ne s’inquiètent pas et ne viennent pas consulter », ajoute Karim Rahem.
L’hypothèse d’une contamination environnementale
La femme au bras décoloré se questionne sur l’origine de la maladie : « Je n’ai jamais su d’où ça venait mais en vrai ça ne m’étonne pas car j’habite à côté du cimetière des lépreux. » En effet, certaines familles, plus atteintes que d’autres, habitent à proximité de l’endroit où se situait l’ancienne léproserie, ouverte entre 1892 et 1898, et où se trouvent les cimetières des lépreux. « Pour attraper la lèpre il faut une exposition très longue. Il y a une faible contagion, c’est pour cela que la maladie se développe principalement dans les zones de promiscuité, comme c’est le cas ici. Peut-on avoir également une exposition tellurique si l’endroit a été mal décontaminé ? Aucune étude n’a été faite pour démontrer si c’est possible », explique Karim Rahem.
Lors de la campagne de dépistage, la DASS-NC a prélevé des échantillons de terre. « Les analyses ne sont pas terminées. Nous n’avons pas encore de résultats définitifs », explique l’infirmière référente à la DASS-NC, Vanessa Top. « Si on veut éradiquer la maladie, il faut savoir d’où elle vient et ne pas se contenter de soigner au cas par cas mais traiter tous les habitants de Bélep et les personnes originaires de l’île qui aujourd’hui vivent sur la Grande Terre », préconise le médecin de Bélep. Lors de la campagne de dépistage, il avait justement été envisagé de traiter l’ensemble de la population. « Ce n’est pas à l’ordre du jour puisque nous n’avons pas les résultats », précise cependant Vanessa Top. Pourtant la population est demandeuse. Le grand chef coutumier de Bélep, Amabili Wahoulo, attend des nouvelles de la DASS-NC et déclare : « Les chefs de clans, les familles, nous sommes tous d’accord pour traiter la population. Il faut éradiquer la maladie. »
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