La prévalence de la tuberculose a globalement diminué en Europe de l’Ouest, mais la situation varie d’un pays à l’autre. La France a atteint une prévalence moyenne de 7,5 cas pour 100 000 habitants en 2013, tandis que le Danemark, après plusieurs années de hausse, a fini par se stabiliser autour de 7 cas pour 100 000 habitants. Le Royaume Unis, quant à lui, affiche la plus forte prévalence de l’Union Européenne : 12.3/100,000. Le point commun à tous ces pays : la majorité des cas de tuberculose survient au sein des populations migrantes, volatiles et difficiles à atteindre.
Une perte de temps
Au Royaume Unis, 78 % des nouveaux cas de tuberculose sont répertoriés chez des migrants, et 46 % d’entre eux souffrent de formes non pulmonaires et peu symptomatiques, ce qui rend leur découverte très aléatoire. Pour le Dr Sally Hargreaves, venue au congrès de l’ECCMID, à Copenhague, présenter les dernières tentatives britanniques pour améliorer le dépistage et la prise en charge de la tuberculose des migrants, le problème est complexe. « Nous éprouvons les pires difficultés à prendre rendez-vous avec eux, explique-t-elle, Ils travaillent 10 à 12 heures par jours, souvent de nuit, et considèrent ce genre de démarche comme une perte de temps. » Selon une enquête anglaise, seuls 50 % des migrants chez qui une tuberculose latente a été diagnostiquée se sont rendus chez un médecin, cinq ans après leur arrivée.
Au-delà du dépistage, l’observance des six mois de traitement nécessaires est également une véritable gageure. À l’occasion d’un récent programme de dépistage et de prise en charge, le Dr Hargreaves a constaté que 48 % des patients migrants suivaient jusqu’au bout les six mois de traitement.
Ce constat est en partie partagé par la déléguée régionale de Médecin du monde (MDM) pour la région Ile-de-France, le Dr Jeanine Rochefort : « Une fois dans le parcours de soin, ça se passe bien, mais c’est une population très volatile. Ils n’arrivent pas en France malades, ils sont porteurs sains. Ils tombent malades à cause des conditions de vie : promiscuité, mauvaise hygiène, stress ».
La Seine-Saint-Denis est le département Français où la prévalence de la tuberculose est la plus forte de France. Grâce à un partenariat avec le conseil général, le Dr Rochefort dispose chaque mardi d’un camion de radiologie. « Nous devons boucler le dépistage, l’interprétation et la prise du prochain rendez-vous à l’hôpital en 48 heures pour ne pas les perdre », explique-t-elle.
Depuis la mise en place des programmes de dépistage ciblés en 2009, la prévalence de la tuberculose est passée de 31 à 27/100 000 en Seine-Saint-Denis. Les besoins restent immenses, et les perdus de vue nombreux. « Sur les 3 000 patients à qui l’on propose un dépistage, seulement 2 000 se présentent, dont 3 % sur porteurs d’une tuberculose latente, poursuit le Dr Rochefort, il arrive qu’ils soient expulsés alors que l’on est encore en train de faire les diagnostics. C’est la raison pour laquelle nous avons renoncé au dépistage dans les camps de rom : ils étaient déménagés par les forces de l’ordre trop souvent. »
La tuberculose est une maladie qui se développe surtout pendant la première année de l’arrivée sur le sol Français : 70 % de la file active du Dr Rochefort est en France depuis moins d’un an. Après la première année, la courbe de prévalence de la tuberculose rejoint celle de la population générale.
Un standard introuvable
Afin de formuler un standard de prise en charge en Europe, un groupe d’étude sur les infections des voyageurs et des migrants (ESGITM) a été mis en place il y deux ans au sein de l’ESCMID. Selon le Dr Nick Beevhing (École de médecine tropicale de Liverpool) qui coordonne ce groupe, un tel standard est difficile à trouver : « chaque pays a ses spécificités. Il n’est pas pertinent d’entamer une prise en charge en Italie ou en Grèce – pays qui reçoivent surtout une émigration de passage. La Turquie ne peut évidemment pas proposer une prise en charge complète aux presque 2 millions de réfugiés qui sont sur son sol. Seuls les pays comme la France, l’Angleterre ou les pays Nordiques peuvent agir. »
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