Des chercheurs de Harvard ont mis au point un antibiotique capable de contourner diverses formes de résistance aux antimicrobiens pouvant rendre l’arsenal actuel inefficace. La crésomycine, tel est son nom, s’est révélée active in vitro et in vivo (souris) contre des bactéries à la fois Gram négatif et Gram positif, y compris des souches multirésistantes de Staphylococcus aureus, d’Escherichia coli et de Pseudomonas aeruginosa. Les résultats sont publiés ce 16 février dans Science.
Une découverte importante alors que la recherche en infectiologie est à la traîne pour l’antibiothérapie faute de perspectives économiques pour les industriels qui ont désinvesti ce champ d’activité. Pourtant l’antibiorésistance est une préoccupation mondiale avec l’émergence de souches multi voire ultrarésistantes aux antibiotiques disponibles. « Environ 1,27 million de décès sont attribués dans le monde à la résistance aux antimicrobiens pour la seule année 2019 et une prévision de 2016 projette au moins 10 millions de décès en 2050 en l’absence de mesures efficaces », lit-on dans l’étude. Pour les auteurs, « il est évident que le rythme de découverte et de développement des antibiotiques contre l’antibiorésistance n’est pas au niveau des besoins ».
Inhiber le ribosome bactérien
Comment la crésomycine préserve-t-elle son efficacité ? Le mécanisme passe par une forte affinité pour les ribosomes bactériens. De nombreuses petites molécules antibiotiques, comme la clindamycine, ciblent ce complexe cellulaire qui traduit l’information de l’ARN messager en protéine. « En conséquence, l’évolution bactérienne a entraîné de nombreuses modifications correspondantes du ribosome, qui confèrent une résistance en réduisant l’affinité de liaison », lit-on.
En s’appuyant sur l’analyse structurelle des liaisons des antibiotiques aux ribosomes de différentes espèces bactériennes, l’équipe dirigée par Kelvin Wu a développé une version d’antibiotique dont la conformation se veut la plus adaptée. Pour cela, les scientifiques ont confirmé leur modèle par différentes approches informatiques, structurelles et biochimiques. Avant de tester avec succès l’efficacité antibactérienne de la crésomycine in vitro et in vivo. Dans un modèle murin, ils ont ainsi constaté par exemple que 10 des souris infectées par une souche de Staphylococcus aureus létale à 90 % ont survécu à sept jours après traitement ; dans le groupe témoin, neuf des 10 souris infectées sont décédées dans les 48 heures.
Compte tenu des innombrables variants structurels, les auteurs préviennent néanmoins que la molécule n’est pas pleinement optimisée pour l’inhibition du ribosome bactérien. Ils n’en restent pas moins confiants sur les perspectives qu’ouvrent leurs travaux : « Bien que ce puisse être une considération intimidante, nous croyons que nos résultats présagent favorablement de la découverte future d’agents antibactériens largement efficaces contre l’antibiorésistance », concluent-ils.
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