L’ancien doyen de la faculté de médecine de Bobigny est actuellement directeur général de la Conférence internationale des doyens des facultés de médecine d’expression française, Université Sorbonne-Paris-Nord. Il propose de vacciner les étudiants en médecine à la fois pour lutter contre le décrochage et la précarité et pour redonner un sens à l’engagement dans les études de santé.
LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation actuelle des jeunes en début d’études médicales entre Covid-19 et confinements ?
Pr JEAN-LUC DUMAS : L’accueil à l’université est le même pour tous les étudiants en santé en première année, qu’ils suivent – depuis la mise en place de la réforme du premier cycle de santé en 2020 - un cursus de PASS, de LAS (licence accès santé), de L1 Santé ou de PACES (dernière promotion de redoublants). Il existe donc une grande variété de répartition des futurs étudiants en santé au regard de leur première année universitaire. On ne peut donc plus considérer qu’ils constituent un groupe homogène et spécifique : ils sont représentatifs des étudiants universitaires génériques.
Tous les étudiants, quelle que soit la destination de leurs études, doivent être insérés à l’université en les mettant dans un environnement sécurisant, de façon à rendre durable leur accueil en leur permettant de s’investir et de travailler. Il s‘agit de jeunes étudiants parachutés à l’université où l’encadrement physique est plus limité que dans les écoles et les filières post-bac à effectif réduit.
Les risques de décrochage sont majorés dans le contexte actuel, et ce d’autant plus que la plupart des étudiants qui vivaient correctement grâce à un « petit boulot » ont perdu cette possibilité.
Existe-t-il une problématique spécifique pour les étudiants en médecine ?
Avant tout, cette année universitaire est une année de réforme pour les étudiants en première année afin d’augmenter la diversité de profil des futurs médecins. Déjà, habituellement la grande compétition de l’entrée en médecine était génératrice d’angoisse. La réforme actuelle étant mal aboutie, elle a été appliquée à marche forcée sans véritable adhésion universitaire et sans réflexion sur les accompagnements et les moyens. La visibilité sur les programmes et le nombre de places est réduite ce qui augmente l’inquiétude des étudiants. En outre, la première année des études de santé a la particularité d’être fondée sur des cours magistraux principalement, les TP et TD étant rares en raison de la massification des étudiants. Le travail de groupe reposant principalement sur le tutorat. Or en 2020-2021, l’enseignement est proposé en distanciel pour éviter de regrouper des jeunes potentiellement contaminés par le Covid-19 et donc contaminants. Le risque de décrochage au fil des mois est particulièrement important.
La scolarité des étudiants en deuxième et troisième année est-elle aussi affectée par l’épisode pandémique ?
Ces étudiants ont la particularité d’avoir été admis en étude de santé mais de ne pas être doté d’un statut contractualisé d’étudiant hospitalier. Or, après une année universitaire vécue majoritairement en distanciel, ils souhaitent être intégrés dans un milieu professionnel qui leur laisse une place auprès des patients. Mais, contractuellement, ils ne sont pas tenus et redevables de participer à l’effort de santé national. Pour beaucoup, l’année universitaire 2020-2021 est une année de déception. Les autorités universitaires ne peuvent pas, statutairement, les mettre dans des situations à risque de contamination pour eux-mêmes et leurs familles.
Vacciner ces jeunes pourrait leur permettre une meilleure participation à des efforts d’engagement de responsabilité sociale en santé qui devrait être portée par les universités : aider à la coordination de la vaccination, aux tâches de gestion, aux protocoles d’accueil, contribuer au suivi épidémiologique des patients… Certains de ces « petits emplois », s’ils étaient rémunérés, pourraient permettre à des étudiants en difficulté financière d’aborder leur scolarité de façon plus sereine.
Si actuellement, la France doit faire face à une difficulté d’approvisionnement en vaccins, les universités doivent anticiper et proposer des procédures locales et nationales qui pourraient être mises à profit lorsque les tensions sur les stocks de vaccins diminueront.
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