Recul du VIH en France

Des chiffres à prendre avec des pincettes

Par
Publié le 14/10/2019
Article réservé aux abonnés
Selon Santé publique France, le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité au VIH a diminué de 7 % en 2018 par rapport à 2017.

Près de 6 200 personnes ont découvert leur séropositivité en 2018, en France, soit une baisse de 7 % après des années de stabilité, selon les derniers chiffres de Santé public France. Depuis 2013, les résultats restent inégaux selon les types de patients : -16 % pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) nés en France, mais + 38 % chez ceux nés à l’étranger et stabilité chez les femmes hétérosexuelles nées à l'étranger.

Pour le Pr Gilles Pialoux, chef du service maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon (AP-HP), une des explications à cette diminution est « l'augmentation de l’offre de dépistage chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres HSH. Chez ces derniers, le déclin du nombre de découvertes est observé depuis plusieurs années. Avec davantage de dépistages, on peut utiliser le traitement comme outil de prévention des contaminations ».

10 000 « prepeurs »

Autre cause possible de la diminution des découvertes de séropositivité : la prophylaxie pré-exposition (PrEP). « Toutefois, en 2018, on observait moins de 10 000 usagers de la PrEP ou « prepeurs » en France, dont la moitié à Paris, note le professeur. Or, on estime qu'en dessous de 30 000 prepeurs, on n'a pas atteint la cible permettant d’avoir un effet significatif sur l'évolution de l'épidémie », note le professeur.

D’une manière générale, la lecture des chiffres de Santé public France appelle à la prudence, juge le Pr Pialoux. « Les diagnostics tardifs et les changements récents de mode de déclaration peuvent influencer les résultats, observe-t-il ainsi. Depuis avril 2016, nous devons télédéclarer les nouveaux cas d'infection par le VIH. Or, il a fallu parfois attendre 2 ans pour recevoir les boîtiers de télétransmission de l’administration hospitalière. Les données ne sont en outre pas forcément exhaustives. En 2017, on savait par exemple que 60 % des données sur le « pays de naissance » et le « groupe de transmission » avaient été estimées et non déclarées ».

En outre, « beaucoup de spécialistes réclament que Santé publique France publie des données d’incidence. Les données de l'agence mélangent les nouvelles contaminations et des diagnostics tardifs. Sur les 6 200 découvertes de 2018, il n'y a que 25 % de diagnostics précoces. La proportion des diagnostics à un stade avancé (stade clinique sida, moins de 200 CD4/mm3) est de près de 30 %. Elle n’a pas bougé depuis 2013, ce qui oblige à rester humble face à ces chiffres. »

 

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin