DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA SEP, au premier rang des maladies inflammatoires chroniques du système nerveux central (SNC), est une maladie démyélinisante affectant 2,5 millions de personnes. Sa cause demeure inconnue malgré plus d’un siècle de recherches. Si de nombreuses données plaident pour une pathogenèse auto-immune, la cible de la réponse immune reste à identifier. Une équipe allemande dirigée par le Dr Bernhard Hemmer (Université Technique de Munich) rapporte maintenant une avancée.
Utilisant une approche non biaisée, les chercheurs ont d’abord cherché à savoir si les anticorps IgG sériques des patients SEP (n = 19) sont capables de se fixer à du tissu cérébral ; ils ont découvert une fixation spécifique des IgG aux cellules gliales dans un sous-groupe de patients SEP (58 %).
Grâce à une approche protéomique axée sur les protéines membranaires, ils ont alors déterminé que la cible précise de la fixation des anticorps était une boucle extracellulaire du canal potassium KIR4.1.
Ils ont ensuite confirmé de plusieurs manières que le canal KIR4.1 est bien la cible de la réponse auto-anticorps dans la SEP.
Pas chez les témoins sains.
En effet, les anticorps anti-KIR4.1 sont présents chez 47 % des patients SEP (186/397), contre seulement 1 % des patients qui ont d’autres maladies neurologiques (3/329) et aucun témoin sain (0/59).
Ces anticorps IgG anti-KIR4.1 sont principalement des IgG1 et IgG3, lesquelles sont capables de fixer le complément et donc d’entraîner une lyse cellulaire.
Lorsque les chercheurs ont injecté in vivo chez la souris (dans la citerne cérébello-médullaire) le complément humain et les IgG anti-KIR4.1 isolées chez les patients SEP, ils ont observé une perte de l’expression KIR4.1, une expression altérée des protéines acides fibrillaires dans les astrocytes, et l’activation de la cascade du complément aux sites d’expression KIR4.1 dans le cervelet. Ces anomalies neuropathologiques induites à court terme chez la souris suggèrent que les IgG anti-KIR4.1 peuvent reconnaître leur cible antigénique dans le SNC et endommagent structurellement les cellules gliales.
On sait que le canal potassium KIR4.1 est exprimé principalement par la glie du SNC (astrocytes, oligodendrocytes et glie de Bergmann). On sait aussi que les souris KO génétiquement déficientes en KIR4.1 présentent une hypomyélinisation et des anomalies axonales dans le SNC.
Trois forces majeures.
L’ensemble de ces données suggèrent donc que le canal KIR4.1 est un auto-antigène dans la SEP.
Pour les Drs Anne Cross (Université de St Louis) et Emmanuelle Waubant (Université de San Francisco), auteurs d’un éditorial associé, ce travail a trois forces majeures : une approche non biaisée ; la haute spécificité des anticorps anti-KIR4.1 pour la SEP et le caractère plausible de la cible antigénique ; enfin, le fait que l’injection des anticorps anti-KIR4.1 et du complément humain chez la souris plaide en faveur du potentiel pathogénique chez les humains.
« Si ces résultats sont confirmés, un sous-groupe de cas de SEP pourrait en fait appartenir à une collection grandissante de maladies dites " canalopathies " - des maladies causées par une dysfonction d’un canal a ions », notent les éditorialistes. Qui ajoutent qu’il « reste à mieux définir le rôle spécifique que jouent les anticorps anti-KIR4.1 dans la pathogénèse de la SEP ».
« Si nous pouvons confirmer nos résultats dans les prochaines études, et si l’anticorps s’avère être un biomarqueur pertinent pour le diagnostic de la SEP, il sera plus facile de différencier la SEP des
autres maladies neurologiques », explique au « Quotidien » le Dr Bernhard Hemmer. « De même, si KIR4.1 est la cible de la réponse immune dans la SEP, cela pourrait être un premier pas vers le développement de thérapies spécifiques basées sur l’antigène dans la SEP. À présent, nous continuons de développer le test anticorps pour les applications cliniques et plusieurs études sont en cours pour déterminer si l’anticorps est associé à un phénotype particulier ou une réponse particulière au traitement. De plus, il nous faut examiner comment les anticorps anti-KIR4.1 contribuent à la pathogenèse. »
Srivastava et coll. « New England Journal of Medicien » du 12 juillet 2012,
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