CE N’EST PAS qu’un gène de plus. La récente découverte du gène TREM2 dans la maladie d’Alzheimer dans deux grandes études publiées conjointement la semaine dernière dans le « New England Journal of Medicine », l’une islandaise (voir « le Quotidien » daté du 15 novembre 2012), l’autre internationale avec la participation d’équipes françaises, va bien au-delà d’une simple cartographie génétique. « Le gène TREM2 est connu pour intervenir au niveau du système macrophagique, explique au " Quotidien " le Pr Philippe Amouyel, directeur de recherche INSERM " Santé publique et épidémiologique moléculaire des maladies liées au vieillissement et l’un des auteurs principaux de l’étude internationale ". Dans le cerveau, cette activité se concentre au niveau de la microglie, qui est fortement impliquée dans le métabolisme des plaques amyloïdes. D’où l’hypothèse que le TREM2 muté n’assure pas correctement sa fonction d’élimination des plaques amyloïdes, qui s’accumulent au fil du temps, et conduise à long terme à une maladie d’Alzheimer. »
Défaut d’élimination.
Si la majorité des connaissances sur l’Alzheimer concerne les formes familiales, rares et précoces, la maladie survient le plus souvent de façon sporadique et tardive. Hormis l’APOE 4 connu pour quadrupler le risque depuis près de vingt ans, les autres variants identifiés dans les formes tardives de la maladie d’Alzheimer sont associés à risque très faible. « Le gène TREM2 était connu jusqu’à présent pour être responsable d’une maladie rare, la maladie de Nasu-Hakola, d’expression plutôt rhumatologique mais pouvant entraîner des démences proches de l’Alzheimer, poursuit le chercheur. En fait, à l’état homozygote, le variant génétique entraîne la maladie de Nasu-Hakola et, comme nous l’avons montré, à l’état hétérozygote multiplie le risque de maladie d’Alzheimer d’un facteur 3 à 5. » Ce qui est un témoin supplémentaire « de l’hétérogénéité de l’étiologie de la maladie d’Alzheimer ».
Si les formes précoces survenant avant l’âge de 60 ans sont dues à une surproduction totalement dérégulée de plaque amyloïde, notamment par mutation des gènes de la préséniline et de la protéine de plaque amyloïde, les formes tardives seraient liées à un défaut d’élimination des plaques amyloïdes. « Tout le monde produit de la plaque amyloïde, expose le Pr Amouyel. Il existe à l’état normal une dizaine de mécanismes d’élimination. Si un seul est défaillant, il ne se passe pas grand-chose. Mais si plusieurs sont touchés au fil du temps, la plaque amyloïde va s’accumuler jusqu’à devenir symptomatique. »
Prévenir la maladie à haut risque.
Ainsi, plusieurs équipes ont suggéré par le passé l’atteinte d’un autre mécanisme d’élimination impliquant le système immunitaire. L’équipe du Pr Amouyel a ainsi montré comment le récepteur du complément 1 (CR1) est neutralisé lors d’une infection chronique par le virus herpès (HSV). « Le risque d’Alzheimer est augmenté en cas d’infection chronique par l’HSV, indique le Pr Amouyel. Si le CR1 est monopolisé par l’HSV, il semble logique qu’il ne puisse plus assurer sa fonction au sein de la plaque amyloïde. »
L’échec de plusieurs essais de phase III, qui testaient des anticorps monoclonaux censés détruire l’excès de plaque amyloïde, n’est sans doute pas étranger au mécanisme physiopathologique. « Les essais cliniques n’ont pas été concluants, contrairement aux études chez la souris, détaille le professeur lillois. S’il y a eu des effets indirects, par exemple sur des biomarqueurs et des indices de plaque amyloïde, les gens traités n’étaient pas améliorés sur le plan cognitif. Pourquoi ? Parce qu’il y a très probablement un seuil de toxicité au-delà duquel les effets délétères ne sont pas réversibles. D’où l’idée défendue par beaucoup de mes confrères de tester ces molécules à titre préventif chez des sujets à haut risque mais n’ayant pas encore développé la maladie. »
Sous l’impulsion de l’administration Obama, un essai testant le crenezumab est ainsi en cours de lancement depuis mai 2012 chez 300 sujets d’une famille colombienne à haut risque d’Alzheimer précoce (les membres identifiés porteurs du gène dominant étant invités à participer). On peut aussi imaginer qu’une biothérapie précoce puisse s’avérer payante chez des sujets sains à risque élevé d’Alzheimer tardif, aisément identifiables comme le sont les porteurs du gène de l’APOE 4 ou du variant TREM2. Mais la découverte de ce nouveau gène de susceptibilité a surtout le mérite de relancer l’hypothèse immunitaire évoquée par le gène CR1, « ce qui ouvre la voie à de nouvelles hypothèses de prise en charge de la maladie d’Alzheimer ».
New England Journal of Medicine, publié en ligne le14 novembre 2012.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024