Un récepteur déjà connu dans le placenta

Comment les IgG apparaissent dans le vagin

Publié le 02/03/2011
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L’IMPORTANCE de la participation de l’IgG à l’immunité de l’appareil génital féminin, où ses concentrations dépassent celles de l’IgA sécrétoire, est attestée par la prédominance de la réponse immunitaire anti-VIH-1 de type IgG au niveau des muqueuses chez les femmes infectées par le virus du sida. Mais le mécanisme par lequel les anticorps IgG traversent l’épithélium génital reste encore largement un point d’interrogation. Ce défaut de compréhension est un obstacle au développement de traitements prophylactiques des MST (maladies sexuellement transmissibles).

Le récepteur FcRn, composé d’une chaîne lourde associée à une microglobuline, achemine les molécules d’IgG, au travers du placenta, de la mère à la circulation fœtale. Le FcRn assure aussi la protection des IgG contre le catabolisme, contribuant ainsi à allonger la demi-vie de l’immunoglobuline après une infection ou une vaccination.

Les Américains, après avoir mis en évidence (par RT-PCR) l’expression du facteur néonatal FcRn au niveau des cellules épithéliales de l’appareil génital féminin, ont étudié le rôle de ce facteur dans la transcytose des IgG sur des cellules utérines (HEC-1-A). La transcytose est un mécanisme de transport actif nécessitant la polarisation de la cellule (avec une face d’entrée et une face de sortie). L’équipe de Xiaoping Zhu montre que le FcRn assure le transport bidirectionnel de l’IgG au travers de monocouches endométriales humaines HEC-1-A polarisées. En outre, la liaison de l’IgG au FcRn requiert une acidification endosomale car la bafilomycine A1 (un inhibiteur spécifique des pompes à proton) s’oppose au transport transmembranaire de l’IgG.

Ces résultats sont confirmés in vivo par des expériences chez des souris prépubertaires WT (type sauvage) et FcRn-KO (délétion du gène FcRn). Après l’administration systémique d’IgG, l’immunoglobuline est retrouvée au niveau des lavages vaginaux des souris WT, mais pas des animaux FcRn-KO. Ces études confirment également le caractère bidirectionnel (du domaine apical au domaine basolatéral de la cellule, et inversement) du transport de l’IgG via le FcRn.

Souche 186 du virus HSV2.

Les répercussions potentielles de ces observations sur le plan de la prophylaxie ont enfin été évaluées en inoculant dans le vagin de souris prépubertaires WT et FcRn-KO une dose léthale de la souche 186 du virus HSV-2 (1,4x106 pfu), 12 heures après l’administration intra-péritonéale d’un sérum spécifique HSV-2. Le taux de survie des souris WT était de 80 %, alors qu’il n’était que de 20 % chez les rongeurs déficients en facteur FcRn (p = 0,0437). La protection contre l’infection génitale dépend, par conséquent, de la présence du facteur néonatal.

Le mécanisme de la transcytose de l’immunoglobuline IgG au travers de la membrane épithéliale de l’appareil génital féminin se fait donc, de manière active et bidirectionnelle, au travers du facteur FcRn. Ce transport est affecté par le cycle estral, peut-être au travers d’une régulation de l’expression du FcRn au niveau de l’épithélium génital. Compte tenu du caractère acide de la lumière vaginale, les chercheurs supposent que le facteur FcRn pourrait stocker l’immunoglobuline tout en la protégeant d’une dégradation dans le vagin, et la libérer, lors d’une infection, au niveau de l’épithélium utérin, où le pH est neutre. La démonstration indirecte d’une efficacité prophylactique accrue contre l’infection herpétique muqueuse en présence du FcRn (dans la mesure où elle est fortement entravée chez les souris déficientes en ce facteur) ouvre en outre une nouvelle piste potentielle dans la défense immunitaire de l’hôte contre les MST.

Z Li, X Zhu et coll. Transfer of IgG in the female genital tract by MHC class I-related neonatal Fc receptor (FcRn) confers protective immunity to vaginal infection. Proc Ntl Acad Sci USA (2011). Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8915