PROPOSER UNE contraception dès la sortie de la maternité, voire avant l’accouchement, permettra notamment d’éviter la survenue d’une nouvelle grossesse, rarement prévue aussi vite et qui, dans la majorité des cas, pourrait aboutir à une interruption volontaire de grossesse (IVG).
Les sages-femmes, déjà habilitées depuis août 2004 à prescrire des contraceptifs dans ce cas, ont vu depuis cette année (2009) leurs compétences s’élargir dans ce domaine puisqu’elles sont autorisées à prescrire une contraception dans toutes circonstances et non uniquement en période de post-partum ou des post-abortum.
Pour F. Mulet, 5 % des IVG ont lieu dans les 6 mois qui suivent l’accouchement.
Quand aborder le problème.
L’idéal serait de profiter des consultations prénatales pour informer, soit lors de l’entretien individuel du quatrième mois, soit au moment des consultations réalisées par les sages-femmes pour les cours de préparation à l’accouchement.
Certainement pas dans les suites de couches immédiates où la préoccupation essentielle du couple est bien l’enfant, l’apprentissage du rôle de parent met souvent ce problème au second rang, et ce d’autant que les séjours en maternité sont de plus en plus courts !
Si la patiente n’allaite pas.
Pour Ch. Quereux, si la patiente n’allaite pas et s’il n’y a pas eu d’inhibition de l’allaitement par un dérivé de la bromocriptine, l’ovulation survient aux alentours du 25e jour. Une contraception doit donc être conseillée assez rapidement au cours du premier mois.
Très souvent, la lactation a été inhibée par bromocriptine. Le retour de couches dans ce cas peut survenir plus tôt (entre 21 et 32 jours) et une ovulation le précède souvent (6 % des cas).
En cas d’allaitement.
Les on-dit ont longtemps rassuré les nouvelles mères. Il ne pouvait y avoir d’ovulation, cet allaitement était donc protecteur.
En fait, cette affirmation est erronée. Seulement un allaitement complet avec au moins 6 tétées par 24 heures est synonyme d’infertilité (98 % à 6 mois).
C’est la base de la méthode d’allaitement maternel aménorrhée (MAMA). Sinon, il faut conseiller un mode de contraception adapté.
À la sortie de la maternité, il est nécessaire que la parturiente ait eu des informations concernant sa contraception avenir, au mieux une ordonnance de contraceptif, au minimum un conseil et une ordonnance pour un contraceptif d’urgence.
L’intérêt et la difficulté d’emploi de la méthode MAMA ont été déjà évoqués. Son efficacité est relative même en cas d’application idéale (risque de grossesse : 2% à 6 mois et 7 % à un an). Il est parfois utilisé de conseiller l’association d’une méthode de contraception locale (préservatifs, spermicide) pour potentialiser son efficacité.
Le préservatif masculin va, bien sûr, assurer une protection contre les infections sexuellement transmissibles (IST), mais son efficacité contraceptive, utilisateur-dépendante, est nettement inférieure à celle des produits hormonaux (indice de Pearl variant de 3,6 à 5,4 %). Il peut constituer un frein à la reprise de rapports parfois mal vécue par le conjoint.
Les gels et éponges spermicides ont l’avantage de pouvoir potentialiser l’utilisation du préservatif ou de la méthode MAMA. Seuls, ils ne sont pas suffisamment efficaces.
En cas d’allaitement, il est important de ne pas conseiller l’utilisation de spermicides contenant du monoxynol pouvant se retrouver dans le lait maternel. En revanche, on favorisera l’usage du chlorure de benzalkonium ou de chlorure de miristalkonium qui ne franchissent pas la barrière vaginale et qui ne font donc pas courir de risque pour l’enfant.
La reprise de cycles ovulatoires est variable et pas toujours régulière. C’est pourquoi l’utilisation des méthodes dites Ogino ou Knaus sont fortement déconseillées.
Les estroprogestatifs.
Les estroprogestatifs ont deux risques essentiels pendant cette période :
– un risque cardio-vasculaire lié à l’hypercoagulabilité qui persiste pendant près de 21 jours après l’accouchement ;
– un risque lié au passage des hormones dans le lait maternel en cas d’allaitement.
Pour l’OMS, les estroprogestatifs peuvent être prescrits dès le 21e jour suivant l’accouchement s’il n’y a pas d’allaitement. Si la femme allaite, les avis divergent.
L’OMS ne recommande pas leur usage pendant les six premières semaines, voire les six premiers mois. Cette précaution n’est pas de l’avis de tous. À ce sujet, il est intéressant de se référer à la métaanalyse de TRUITT en 2003 et à l’étude Cochrane admettant que si 1 à 2 % des hormones passent dans le lait, le nourrisson ne recevra que 0,02 % d’estrogènes et 0,1 % de progestérone.
Contrairement aux idées reçues, d’après ces études, il n’est pas prouvé que ces produits provoquent une baisse de la quantité de lait, surtout s’ils sont pris avant la troisième semaine de suites de couches.
Les estroprogestatifs normodosés (50 µg d’éthinylestradiol [EE]) sont contre-indiqués en raison de leur risque thromboembolique
En cas d’allaitement artificiel avec inhibition de la lactation, les estroprogestatifs pourraient être commencés dès l’arrêt de la bromocriptine, soit 21 jours après l’accouchement, au moment donc où le risque thromboembolique est le plus faible.
Bien que tous s’accordent sur ce délai de 21 jours, par mesure de précaution, les sociétés savantes (ACOG et OMS) conseillent d’attendre 6 semaines pour pouvoir prescrire une contraception orale après un accouchement. C’est dire l’intérêt d’aborder le problème lors de la consultation postnatale.
Pour certains, malgré son intérêt, le patch n’est pas recommandé car il entraîne une estradiolémie plus élevée que les contraceptifs oraux minidosés (Evra, norelgestromine 6 mg + éthinyl estradiol 600 µg ; 20 µg EE par jour)
Nuvaring délivre 15 µg d’éthinyléstradiol et 120 µg d’étonogestrel par jour
Son utilisation est en théorie envisageable. En pratique, la présence de lochies
et d’incontinence du périnée fréquente font plutôt recommander son utilisation un peu plus tard, en tout cas après la rééducation du périnée.
Macro et microprogestatifs.
La majorité des macroprogestatifs n’ont pas l’indication de contraception ; ils ne sont pas conseillés, sûrement trop dosés s’il y a allaitement.
Les progestatifs injectables (Depropovera) sont parfois utilisés pour des raisons sociales et psychologiques. L’injection peut être faite 7 jours après l’accouchement en l’absence d’allaitement ou 6 semaines après si la femme allaite. Ils sont assez souvent responsables de troubles de règles, spottings, aménorrhée…
Les contraceptifs microdosés progestatifs n’ont aucun effet sur l’enfant et la lactation. L’OMS les recommande 6 semaines après l’accouchement, le NHS dès la troisième semaine. Deux types de produits sont utilisables :
– les microprogestatifs ayant une action contraceptive par atrophie de l’endomètre et modification de la glaire sans action anti ovulatoire, Microval (Levonogestrel) ou Milligynon (Norethisterone). Ils sont souvent responsables de spottings, de syndromes prémenstruels et de kystes fonctionnels ovariens récidivants, ils font courir un risque de grossesse extrautérine.
Leur prise quotidienne ne tolère pas un décalage supérieur à 3 heures. Ils sont remboursables ;
– les microprogestatifs ayant une action antiovulatoire et une action sur la glaire cervicale et l’endomètre. Ils sont représentés par le desogestrel (Cerazette). Son efficacité est maintenue en cas de décalage maximum de 12 heures (pas de remboursement)
Le CNGOF recommande de les prescrire dès le début, au 10e jour de post-partum. Ils ont une excellente efficacité (<10% de grossesses par an). Ils n’entraînent pas d’augmentation du risque de trouble de l’hémostase. Leur tolérance cyclique est moyenne (anisoménorrhée). Ils peuvent être prescrits même si la femme allaite.
L’implant.
Il s’agit, en fait, d’étonogestrel (metabolite actif du desogestrel). Il agit comme la pilule Cerazette. Il est actif pendant 3 ans, à condition que les femmes aient un indice de masse corporelle inférieur à 25. Il peut être prescrit dans le post-partum immédiat. Il n’agit pas sur la lactation et n’entraîne pas de risque thromboembolique. Souvent posé dans les 15 jours, pris en charge par la sécurité sociale, il est réservé aux patientes à risque, ou dans un contexte psychiatrique.
DIU et SIU.
La pose d’un dispositif intra-utérin (DIU) est possible en France à partir de 6 semaines (visite postnatale), dans certains pays 48 heures après la naissance. Après une césarienne, l’habitude en France est d’observer un délai de 3 mois. Mais, là encore, la pose après 6 semaines n’est pas interdite à condition de tenir compte et de corriger l’antéversion ou la rétroversion du col au moment de la pose afin d’éviter la perforation de l’hystérotomie antérieure. Certains recommandent la pratique d’une échographie de contrôle immédiate pour vérifier la position du DIU. La pose se fera bien sûr dans le respect des contre-indications habituelles.
S’agissant du système intra-utérin (SIU, DIU au LNG, Mirena), il ne retentit pas sur l’allaitement, ses indications et ses règles de pose sont les mêmes que celles du DIU mécanique. Sa tolérance clinique est parfois meilleure, car il est souvent responsable d’oligo- ou d’aménorrhée.
En conclusion, le fait que la femme allaite ou non n’est finalement pas un problème dans le choix d’une contraception après un accouchement.
De nombreuses méthodes sont possibles. Reste à savoir les faire connaître et les prescrire en temps voulu et à bon escient afin d’en assurer l’observance maximale et ce afin de diminuer le taux d’IVG survenant dans ce cas.
Bibliographie :
– Mulet F. Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français – Mises à jour en gynécologie médicale – 2006.
– Quereux CQ, et al. Genesis, octobre 2006, n° 119.
– Robin G, et al. Gynécologie, Obstétrique et Fertilité 2008 ;36:603-605.
– ANAES. Surveillance de la contraception orale estroprogestative. Paris ANAES ; 1998.
– Truitt ST, et al. Combined hormonal versus nonhormonal versus progestin only contraception in lactation. Cochrane Database Syst Rev 2003;(2).p. CD003988.
– Truitt ST, et al. Hormonal contraception during lactation, systematic review of randomized controlled trials. Contraception 2003;68(4):233-8.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024