Pour élaborer leurs recommandations pour la pratique clinique (RPC) sur la prise en charge du cancer du col, qui se différencient de celles édictées au niveau européen et international, les experts issus de toutes les sociétés savantes concernées ont utilisé la méthodologie Grade pour répondre aux 160 questions formulées selon l’approche Patients intervention comparaison outcomes (Pico).
« La prise en charge des femmes présentant un cancer du col de l’utérus est globale et très spécialisée et ce, dès le diagnostic », rappelle la Pr Lobna Ouldamer, qui a coordonné ce travail. L’examen clinique reste une étape indiscutable et ne peut être remplacé par l’imagerie, sans recours systématique à un examen sous anesthésie générale — sauf cas particuliers.
Bilan et stadification
Une conisation initiale diagnostique est recommandée en cas de cancer du col supposé de stade IA2-IB1, pour mieux définir le stade Figo et le statut des emboles, permettant d’adapter la prise en charge et améliorer la survie sans récidive. Dans le cadre du bilan initial, l’IRM lombopelvienne avec séquences de diffusion constitue l’examen d’imagerie de choix. Une TEP-TDM est maintenant recommandée dès le stade IB1.
En ce qui concerne la stadification ganglionnaire, lorsqu’elle est indiquée, la réalisation d’un ganglion sentinelle est toujours associée à un curage pelvien. Le recours à la double détection (TC99m et colorant bleu) reste le standard, la littérature restant limitée concernant le vert d’indocyanine dans le cancer du col utérin ; mais ce choix est équipe-dépendant. Lorsqu’il y a indication à la réalisation d’une stadification par curage lombo-aortique (stade Figo 3C1et certains stades 4), le repère chirurgical a été abaissé au niveau de l’artère mésentérique inférieure. En cas d’échec de curage lombo-aortique par abord laparoscopique, il est recommandé de ne pas faire une laparoconversion, qui augmente la morbidité.
Chirurgie et thérapies
« Lorsqu’une hystérectomie est indiquée, la voie d’abord chirurgicale reste la laparotomie, jusqu’à preuve du contraire », souligne la Pr Ouldamer, en indiquant que la médecine basée sur les preuves cumulées à ce jour ne donne pas de place à la chirurgie robot-assistée ou cœlioscopique.
La RPC précise aussi qu’une hystérectomie n’est pas recommandée pour un cancer du col utérin de stade Figo IB2 de plus de 3 cm. La patiente doit être adressée directement au radiothérapeute pour éviter le cumul des morbidités. Il en est de même en cas de critères de gravité (imagerie ou histologie), qui suggèrent la nécessité d’une radiothérapie. Il n’y a pas non plus d’indication chirurgicale chez les femmes ayant été traitées par radiochimiothérapie concomitante suivie de curiethérapie, en l’absence de résidu tumoral à l’imagerie. S’il est présent, il est recommandé de réaliser une hystérectomie simple plutôt qu’élargie, car elle n’améliore pas le pronostic et augmente la morbidité.
En cas de radiochimiothérapie concomitante, il est recommandé de ne pas remplacer la curiethérapie par un boost de radiothérapie.
Le délai d’évaluation de la réponse au traitement par radiochimiothérapie a été standardisé : la réalisation d’une IRM pelvienne ou d’un TEP scanner au maximum à trois mois permettra de statuer sur la persistance, ou non, d’un résidu.
Dans certaines situations bien standardisées, une place a été laissée à la réalisation d’une curiethérapie avant la chirurgie, afin d’éviter le potentiel recours à de la radiothérapie en postchirurgie.
Préservation de la fertilité
La préservation de la fertilité ne se discute pas pour les stades précoces IA1-IA2 (la conisation in sano étant un traitement acceptable), elle a toute sa place dans les stades IB1 après stadification ganglionnaire négative bénéficiant d’un traitement chirurgical exclusif par trachélectomie.
On propose aussi une conservation ovarienne jusqu’au stade IB2 chez les femmes de moins de 55 ans ayant un cancer du col utérin d’histologie classique (épidermoïde et adénocarcinome HPV induit).
La RPC clarifie la prise en charge de certaines situations particulières : cancer du col de découverte fortuite sur pièce d’hystérectomie, cancer du col après hystérectomie subtotale, ou encore chez une femme âgée de plus de 70 à 75 ans. Dans ce dernier cadre, c’est l’âge physiologique et les comorbidités qui guident la stratégie thérapeutique.
Dans les formes métastatiques d’emblée, il est désormais recommandé de faire une chimiothérapie à base de sels de platine associée à du bévacizumab et éventuellement à une immunothérapie.
Enfin, la RPC a brossé les champs des récidives.
Certaines questions sont en suspens, en attendant notamment les résultats d’études en cours.
Exergue : « La prise en charge est globale et très spécialisée et ce, dès le diagnostic »
Entretien avec la Pr Lobna Ouldamer, CHU de Tours
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