DEVANT un fait de société tel que l’augmentation de l’âge des femmes enceintes en France, il s’avérait nécessaire de dépasser le stade du constat pour passer à celui de l’analyse. L’équipe de Paul Sagot (CHU de Dijon) s’est penchée sur une conséquence majeure de ce recul de l’âge : la trisomie 21. Les médecins, épidémiologistes et généticiens dijonnais ont corrélé les âges maternels, les taux théoriques d’enfants trisomiques attendus et la réalité des naissances. Deux faits sautent aux yeux : comme on pouvait s’y attendre la conception d’enfants trisomiques connaît une forte croissance ; grâce au dépistage et à l’interruption médicale de grossesses (IMG), un petit nombre d’entre elles arrive à terme.
L’enquête menée par les Dijonnais se présente sous forme de deux articles publiés dans le « Journal de Gynécologie, Obstétrique et Biologie de la Reproduction ». Sous la plume de Thierry Rousseau et coll. ils abordent mathématiquement, pour le premier, la prévalence attendue ; pour le second, les naissances d’enfants trisomiques 21 enregistrées dans la région Centre-Est.
L’âge moyen des mères a augmenté de 4 ans.
Quelles sont « les modifications survenues dans la répartition des âges des femmes à la maternité durant les quarante dernières années en France métropolitaine et leurs implications sur les variations de prévalence théorique attendues à la naissance sur la même période » ? Les auteurs se sont fondés sur les données de l’Insee de 1965 à 2008. Au cours des trente dernières années de la période considérée, l’âge moyen des mères a augmenté de 4 ans, passant de 26 à 30 ans. Quatre années qui suffisent à provoquer un doublement de la prévalence de trisomies 21 attendues. Elle aurait été de 12,1 pour 10 000 naissances en 1977 et serait passée à 21,7 en 2008. Les auteurs rappellent que le risque suit une courbe de croissance exponentielle après 35 ans. Ils ajoutent qu’environ 20 % des trisomies 21 ne sont pas liées à l’âge maternel.
Des calculs ont été réalisés selon trois tranches d’âges : moins de 35 ans, 35-37 ans et plus de 38 ans. T. Rousseau et coll. ont rapproché la répartition des naissances selon ces catégories aux cas attendus de trisomie 21. Les trois quarts des naissances, 78,7 %, surviennent chez les moins de 35 ans et 38,5 des cas attendus ; pour les 35-57 ans, les données respectives sont 12,5 et 18,6 % ; mais les femmes de plus 38 ans, enfin, qui donnent 8,8 % de naissances auraient 42,9 % des enfants trisomiques.
Qu’en est-il dans les faits, s’interroge la seconde étude ? Les données du registre des malformations congénitales REMERA, de 1978 à 2005, ont fourni une bonne approche. Au cours de cette période le registre colligeait les informations de 8 départements : Ain, Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Rhône, Savoie et Haute-Savoie. Soit 10,1 % de la population française et 10,2 % des naissances.
L’équipe de P. Sagot a constaté qu’entre 1978 et 2005 la prévalence totale de la trisomie 21 est passée de 14 à 23/10 000. Les auteurs relèvent que ces données sont en accord avec celles des autres registres européens et français, à l’exception de celui de Paris. Dans la capitale, la prévalence totale entre 2001 et 2005 se situait à 37,6/10 000. L’explication se fonde sur des âges de maternité particulièrement élevés en région parisienne.
De 14/10 000 en 1978 à 5,1/10 000 en 2005.
Quant aux naissances réellement enregistrées les taux sont nettement plus faibles. Leur prévalence a chuté de 14/10 000 en 1978 à 5,1/10 000 en 2005 (7,1 à Paris). Un bénéfice entièrement dû à la politique de dépistage prénatal mise en place depuis une trentaine d’années et aux IMG qui s’en suivent. La prise en charge du caryotype anténatal pour les femmes de 40 ans ayant été instaurée en 1977, suivie d’un abaissement du seuil à 38 ans en 1980. L’augmentation du nombre d’IMG après diagnostic a atteint 78 % en 2005.
« Il est important de continuer la surveillance épidémiologique (ndr : de la trisomie 21) en France, concluent les auteurs, car des changements périodiques dans la politique nationale de dépistage, comme la mise en place du dépistage combiné précoce au premier trimestre de la grossesse, vont modifier les données. »
Journal de Gynécologie, Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2010) 39, 284-289 et 290-296.
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